Cannes / Ouverture de la Quinzaine des réalisateurs : le Congrès d’Ari Folman
C’est avec à la fois angoisse, bonne humeur et élégance que le réalisateur de “Valse avec Bashir” a déclaré ouverte la 45ème Quinzaine des réalisateurs. Cette cérémonie officielle a laissé place à la projection du très attendu “Congrès”, d’après une nouvelle de science-fiction de Stanislaw Lem (1971). Optant pour le va et vient entre réel et animation, Ari Folman a malheureusement proposé un film tortueux, long et peu imaginatif.
Alors que les machiavéliques studios Miramount ont inventé une solution pour se passer des caprices des stars et leur offrir la jeunesse éternelle, Robin Wright (dans son propre rôle, donc) se voit offrir par son producteur (Danny Huston, rusé requin) comme dernier contrat d’une carrière jugée ratée par son agent (Harvey Keitel, moyen) la martingale la plus désespérante : laisser enregistrer ses expressions et livrer à des techniciens la possibilité de lui faire jouer – en images de synthèse- tous les rôles souhaités, avec un âge conservé de 34 ans. De son côté l’actrice s’engage à ne plus jamais jouer et s’occuper à plein temps de sa fille (Sami Gayle) et surtout de son fils (Kodi Smit-McPhee) préadolescent touché par une grave maladie qui affecte ses sens. L’actrice signe le pacte faustien, à trois conditions : pas de films sur la Shoah, pas de porno et pour vingt ans. Vingt ans plus tard, ce que le cinéma a entamé, la science la propagé au monde entier et il est même une zone où chacun se transforme en son avatar animé selon ses vœux. Superstar demeurée jeune, la sexagénaire est invitée à donner un discours à un congrès avançant un pas encore en avant dans cet engrenage où l’imaginaire vient masquer toute réalité : la possibilité pour tout un chacun d’imaginer comme un film les aventures de son comédien préfèré. Alors qu’elle tente de réveiller les esprits par un discours, une révolte a lieu qui pousse Robin Wright, malgré l’aide de l’ingénieur Dylan (John Hamm), à passer 20 autres années dans un coma cryogénisé. Lorsqu’elle se réveille, la comédienne part à la recherche de son fils.
Quelle bonne idée d’ouvrir la Quinzaine avec un film qui met en abîme la question de l’avenir du cinéma ! Malheureusement, malgré la beauté et les couleurs folles des ses animations, le réalisateur de « Valse avec Bashir » déçoit dans cette adaptation d’un livre de science-fiction des années 1970. Peut-être à cause du livre, bourré de lieux communs, et qui fait qu’on a l’impression de revoir à la fois Matrix et Avatar. Mais aussi par manque d’imagination narrative (des codes-barres à la place des plaques d’immatriculation pour signifier 2023, sérieusement ? Et Manhattan transformé en jardins ? Allons plutôt lire Shteingart ! ). Plombé par une foule de clichés qui veulent faire « sketches à l’américaine » (des louches sur les « holocaust movies » qui font remporter des oscars, un chéri avoue à sa douce qu’il l’a trompée… en votant Bush, le « vrai monde » caché derrière la société animée est un gang de hobos dans un New-York dévasté…), « Le Congrés » veut absolument faire « grand film » en multipliant les guest-stars et les BO qui surlignent le mot « œuvre d’art » (Schubert/ Barry Lindon, Forever Young). Last, but not least, la pauvre Robin Wright qui s’en prend plein la tête sur ses mauvais choix de carrière est d’une beauté bluffante, à 20 comme à 80 ans, mais joue avec une rigidité qui la rend peu crédible en mère poule d’un petit garçon malade.
Déception cinématographique, donc, même si le dessin vaut vraiment le coup d’œil.
Ari Folman, “Le Congrés”, avec Robin Wright, John Hamm, Harvey Keitel, Danny Houston, Kodi Smit-McPhee, Sami Gayle, USA, 2h.
Photo : Ari Folman, Robin Wright et Sami Gayle (c) Yaël Hirsch
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