Cinema

Cinéma : Valse avec Bashir, d’Ari Folman

30 June 2008 | PAR Yaël Hirsch

Evénement au dernier Festival de Cannes, et sorti il y a maintenant une dizaine de jours en France, « Valse avec Bashir » est documentaire d’animation poignant sur la difficulté d’un soldat israélien de se remémorer son action lors de la guerre du Liban de 1982.

Tout commence par le rêve de Boaz, qui éveillé en pleine nuit raconte un cauchemar. 26 chiens terrifiants le poursuivent jusqu’à sa fenêtre dans une ville qu’ils mettent sans dessus-dessous. Il s’agit des chiens qu’il a abattus lors de l’entrée dans les villages libanais de la guerre de 1982. En l’écoutant, son ami Ari se rend compte qu’il a oublié une grande partie de ce qu’il a fait, en tant que soldat pendant la guerre du Liban. Il avait alors 18 ans et venait de perdre sa petite amie. A partir d’une scène-écran où il se voit nager nu dans la mer tandis qu’un massacre a lieu, Ari se lance alors dans enquête auprès de divers camarades, journalistes et psychanalystes qui ce qui s’est passé, il y a 20 ans.

Dans des coloris jaunes fauves, d’un trait charnel, et sur fond de musique israélienne des années 1980, Ari Folman a dessiné image par image cette reconstitution. Ses dessins masquent et révèlent à la fois l’horreur d’un jeune homme plongé dans une guerre qu’il ne comprend pas. Leur puissance culmine avec l’entrée dans Beyrouth, pour se heurter à l’impossible remémoration de ce qu’il faisait le soir du massacre de Sabra et Chatila. Redonnant vie par les dessins aux peurs, aux fantasmes et à la culpabilité de ses amis et de lui-même, Ari Folman déroule pour le spectateur les rouleaux sinueux de la mémoire pour nous présenter une apocalypse terrifiante dans laquelle se mélangent des cadavres d’animaux, hommes, femmes et enfants blessés ou tués, la solide volonté de vivre de jeunes gens des années 1980, et le débordement de la peur qui fait tirer en aveugle depuis les tanks. Il y a aussi l’image de Bashir, le président libanais chrétien assassiné la veille de la prise de Beyrouth et l’intolérable laisser-faire des soldats israéliens entourant et éclairant les camps de Sabra et Chatila (Quartier ouest de Beyrouth) sans bouger lors de la nuit des massacres de centaines de civils libanais par la milice chrétienne, alors alliée de Tsahal : les phalangistes.

Un film unique sur la guerre, la mémoire et la faute insurmontable.

Ari Folman, “Valse avec Bashir”, 1h25.

CD : Joseph d’Anvers, Les jours sauvages
Livre : Les tribulations d’une caissière, d’Anna Sam
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration