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« Yannick », saltimbanque politique

« Yannick », saltimbanque politique

05 September 2023 | PAR Noemie Wuchsa

Sorti dans vos cinémas début août : la frimousse gribouillée d’un jeune homme, en rogne, regard noir, signé Quentin Dupieux : c’est Yannick. Un bandit wanted ? un imposteur ? un malaise ? une comptine ? un ras-le-bol populaire ? 

L’absurde surgit, le compagnon de route du réalisateur. Sans attendre, l’intrigue nous plonge in medias res en un huis clos dans un grand théâtre parisien. Juste ici, Le Cocu, pièce fictive au thème-vaudeville par excellence, sillonne les planches. Les acteur-ices – aka Blanche Gardin, Pio Marmaï et Sébastien Chassagne – sont des comédien.nes, dans la fiction, mauvais. Dans l’assemblée, un monsieur se lève au milieu, proteste, trouble la fiction pour en devenir le ressort dramatique. Écrire, superposer un autre propos, telle est la résolution de Yannick. Dit comme ça, c’est caricaturé. Mais l’idée constante du malaise est brillamment restituée, entre le bizarre, le grinçant et l’hilarant. 

Pâle farce, otage(s) et apothéose 

Décidé à mener à bien son plan improvisé pour pallier au fiasco, Yannick s’empare du papier pour créer une pièce de théâtre bien à lui, tout droit sorti de son imaginaire. Dépité.es, les comédien.nes se débrident peu à peu jusqu’à montrer leur travers frustrés, attristés, épuisés de cette situation, et quelque part, de leur propre condition de petit.es-comédien.nes, pour donner à voir des caricatures – ou presque – cet entre-soi intellectuel. Égocentrisme, cynisme et mépris surplombent leur jeu avant une soudaine prise d’otage. Prend le ton d’une fable aux tons indescriptibles. Malgré la prise d’otage de la salle de spectacle, du public – à conquérir constamment -, Yannick l’emporte, par son retournement de pouvoir, par sa menace factice et décalée. Cette mascarade généralisée devient une prise d’assaut politique, un j’en-ai-marre sympathique, et tout vole en éclats. 

Yannick, justement incarné par Raphaël Quenard, lance par le jeu et le dialogue un appel imbibé de dérision, et une leçon écrite tout en finesse : que l’art se loge très sûrement entre le divertissement et le définitivement politique.

 

Photo © Allociné

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