Cinema
Cannes 2021, Acid : Vedette, attention vache sensible

Cannes 2021, Acid : Vedette, attention vache sensible

13 July 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le duo de documentaristes, Claudine Bories et Patrice Chagnard, quitte le terrain social (quoique ?) pour glisser dans les alpages escarpés à la rencontre de Vedette, une vache reine.

Première scène : des nuques et des cimes.  Une caméra réaliste,  une pellicule à la lumière du jour. Plein champs, et là nous sommes dans une arène où des vaches se battent. Rien à voir avec une corrida. Ce combat-là est naturel. Bref, quel rapport avec Les Arrivants, Les Règles du jeu et Nous le peuple, une trilogie politique ? Et bien beaucoup en fait. Car montrer la ruralité et ses codes, son monde hors cadre, hors Covid, cela est finalement très politique.

Quelle relation entretiennent les “propriétaires” avec leur “bétail” ? Quelle place à l’élevage, quelle place à la filière alimentaire ?

Claude Bories tient un rôle autant clé qu’inattendu. Alors qu’elle passe ses étés dans les Alpes Suisses, elle se lie d’amitié avec Élise et Nicole. Et ses voisines ont une passion : leur troupeau, et plus particulièrement la plus belle des vaches, la bien nommée Vedette. Il se trouve que cette race de vaches (ne nous demandez pas laquelle!) se bat et élit sa reine. Et ça gagne quoi une vache-reine ? La meilleure herbe bien sûr. Mais un jour, Vedette ne gagne plus. Elle vieillit. Elle doit être extraite du groupe pour être protégée. Claude Bories se retrouve (on ne voit pas Patrice Chagnard à l’écran) à garder Vedette comme on garde le chat d’un copain un été. 

La caméra se joue des cadres et en invente des superbes. C’est par la fenêtre du chalet que l’on regarde le paysage. C’est blanc sur blanc que l’hiver arrive. Et quand le printemps est là, les fleurs se contemplent en plein écran. Il y a une plongée méditative qui se déroule à regarder cette vache et à attendre qu’elle nous parle. 

“J’ai découvert avec Vedette qu’on pouvait être l’amie d’une vache”

Dans ce film qui n’est pas un documentaire animalier, ni un reportage sur l’élevage, c’est bien l’humanité poussée dans ses retranchements qui se regarde. Et pour les urbains qui verront le film, cela sonne comme une œuvre de Depardon. C’est exotique finalement, à Paris, rares sont les vaches domestiques !  C’est même surréaliste, au sens où le zoom sur les museaux de ces animaux les rends vivants : joyeux, dépressifs. Cela nous fait prendre de la hauteur, 2190 mètres exactement, et décale notre point de vue. Nous nous attachons et nous tomberons de haut en découvrant que nous n’avons en réalité rien compris du mode de vie paysan. Notre urbanité nous revient violemment en pleine face, comme un boomerang, la contemplation et la poésie s’arrêtent, vous verrez, d’un coup. Et le film n’en est que plus puissant encore.

Visuel : ©ACID

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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