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A l’Arras Film Festival, les émouvantes histoires, peut-être vraies, de “Houston, we have a problem !”

A l’Arras Film Festival, les émouvantes histoires, peut-être vraies, de “Houston, we have a problem !”

14 November 2016 | PAR Geoffrey Nabavian

Parmi les neuf productions européennes présentées dans la Compétition de l’Arras Film Festival 2016, on a pu découvrir, aux côtés de Paula (critique ici) et de Roues libres (critique ici), ce film slovène au thème étonnant, en forme de documentaire, totalement métaphorique peut-être.

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Tout est-il vrai, dans Houston, we have a problem !, film en forme de documentaire ? Le réalisateur Ziga Virc donne en tout cas l’envie de le croire. Et de sauter à pieds joints dans les récits qu’il relate. Dans les années 60, la Yougoslavie, dirigée par Tito, aurait vendu très cher aux Etats-Unis un programme spatial pour emmener l’Homme sur la Lune. Des schémas et plans sans aucune utilité, en fin de compte. La nation la plus puissante au monde aurait ensuite réclamé son argent à la république socialiste, qui aurait, elle, tenté de gagner du temps en envoyant en secret des scientifiques slaves travailler avec la NASA – et en obligeant au passage ces savants à changer d’identité – puis en exportant des voitures d’un modèle totalement médiocre – les Yugos – vers le sol américain… Au final, ces coups d’épée dans l’eau auraient contraint les Etats-Unis à vouloir profiter de la Yougoslavie pour récupérer leur mise, avec un plan d’action très spécial : l’attisement des foyers de contestation des Balkans…

Faits historiques avérés ? Les invités rencontrés en marge des projections lors de l’Arras Film Festival nous ont plutôt appelés à douter… Ou à faire nous-mêmes nos propres recherches. Qu’on choisisse d’y croire dur comme fer, et Houston, we have a problem ! devient un film très émouvant, embrassant la personnalité complexe de Tito, jusqu’à sa mort, donnant à voir ses manoeuvres économiques, à entendre ses dialogues avec les présidents américains, et à recevoir des témoignages de citoyens admiratifs, et détruits à la fois. Tel ce scientifique très présent à l’image, qui fut contraint d’annihiler son identité pour en endosser une nouvelle en Amérique, sans espoir de retour en Europe de l’Est… L’histoire des Yugos, pensées au départ comme des “voitures de luxe”, demeure, elle, drôle et percutante. Mais toujours, cette question : tout cela est-il vrai ?

La forme de Houston… peut inviter à le prendre à la légère, à le considérer comme un “documenteur” : musique tonitruante, mise en scène parfois dans l’exagération… On hésite. Mais au final, on tranche : la vraie qualité de ce film est de nous donner accès à une partie de l’état d’esprit qui animait la Yougoslavie et ses habitants de l’époque. Voilà pourquoi tous les intervenants questionnés nous passionnent : ils sont porteurs de l’âme de leur terre. Celle-ci s’exprime à l’écran, de façon très sincère… Ainsi le savant très présent concluera-t-il l’aventure sur la tombe de Tito, avec d’abord un regard troublé, puis un “Va te faire foutre, Tito” bien balancé. Ambivalence…

En résumé, voici une nouvelle pierre à ajouter au panthéon des excellents films slovènes : Houston… peut tout à fait rejoindre le tétanisant Ennemi de la classe – l’une des plus belles oeuvres sorties en salles en 2015, qu’on découvrit d’ailleurs à Arras en 2014 – dans cette catégorie. Pour finir, résumons encore : ce film tourné sous l’ombre de penseurs tels que Guy Debord constitue-t-il un échec ou une série de questionnements très vastes et ouverts ? Suite à sa vision, on a en tout cas l’envie de vérifier, de se plonger dans la réalité pour en faire émerger, peut-être, une vérité. Des sentiments plutôt positifs, non ?

Pour revivre les premières semaines de l’Arras Film Festival 2016, cliquez ici, ici et ici.

Pour savoir à qui sont allés ses prix, cliquez ici.

Visuels : © HBO Europe

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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