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Victoires de la Musique : une 36ème édition très engagée

Victoires de la Musique : une 36ème édition très engagée

15 February 2021 | PAR Manon Bonnenfant

La Seine Musicale a accueilli, vendredi soir, la 36ème édition des Victoires de la Musique. Une édition qui contrastait avec les précédentes, placée plus que jamais sous le signe de l’engagement et d’une diversité ethnoculturelle en progression. Mais sous ce verni audiovisuel, qu’en est-il réellement ?

Cette nouvelle édition a particulièrement été marquée par les victoires de Pomme (artiste féminine) et Yseult (révélation féminine) ainsi que la prestation de l’artiste urbaine Aya Nakamura. Mais l’enjeu d’une telle cérémonie ne serait-il pas devenu plus politique avec des questions importantes sur le statut de musique et ce qu’elle dit du traitement des identités ?

Une soirée dans l’ère du climat actuel

Avec Stéphane Bern et Laury Thilleman aux commandes, la soirée promettait d’être animée. Et ce n’est pas le public de la Seine Musicale qui pouvait en dire le contraire. Un public certes largement restreint, mais dont la présence a lancé une première polémique : était-ce raisonné d’accueillir un public pour les besoins d’une émission audiovisuelle alors que celui-ci est tout bonnement interdit depuis de (trop) nombreux mois ? Qu’à cela ne tienne. La soirée a débuté avec un Jean-Louis Aubert – président de cette 36ème édition – qui a mis les pieds dans le plat : “Tout ce que je vous demande Madame la Ministre, c’est de prendre soin de tout ceux qui bossent autour de nous : les techniciens, les organisateurs de spectacle.”, un appel à l’aide lancé sous les yeux (et les oreilles) de Roselyne Bachelot qui était présente.

Loin d’être le dernier message passé en direct puisqu’un peu plus tard, Benjamin Biolay – alors sur scène pour recevoir son prix de l’artiste masculin – a interpellé la Ministre avec des mots très crus : “Dans cette année de silence a suivi un silence que j’ai trouvé assez étourdissant, un silence des pouvoirs publics et des gens qui sont censés être nos ministres de tutelle par exemple.” Un cri d’alarme également poussé par le clarinettiste Thomas Savy, plus en arrière-plan que les précédents mais tout aussi indispensable : “Madame la Ministre de la Culture, n’entendez-vous pas les inquiétudes qui tournent au désespoir ? Comment vivre en ayant perdu la moitié de ses revenus ?”. Des messages portés dans le vide ? A suivre.

Les musiques urbaines à l’honneur

La soirée a également été marquée par l’artiste Aya Nakamura, dont la présence et performance a allumé la mèche d’une nouvelle polémique. Que l’on apprécie ou non, il faut reconnaître un progrès de la part des Victoires, qui s’engage à mieux représenter certains genres (ici musique urbaine)… certes au détriment de d’autres. Aya Nakamura n’était la seule artiste du genre à être mis en avant : les rappeurs Gradur et Heuss l’Enfoiré avaient au préalable remporté le prix du “titre le plus streamé” avec “Ne reviens pas”. Un titre engrangeant plus de 101 millions de streams, sur une durée d’un an (entre le 1er décembre 2019 et le 30 novembre 2020). Un prix qui n’existaient pas les éditions précédentes mais qui est aujourd’hui extrêmement représentatif du succès auprès des jeunes. A la manière de ces artistes qui entretiennent un lien digital avec leurs fans, les Victoires montrent ici une véritable volonté à inclure pleinement les musiques urbaines au sein d’une cérémonie longtemps qualifiée de trop “élitiste”.

La place des femmes dans cette industrie

Pomme quant à elle, a brillé par son discours touchant : la révélation maintenant artiste de l’année a souligné son ascension fulgurante et son combat pour que “cette industrie soit de plus en plus safe pour les femmes”. Un combat qui promet encore d’être long et difficile, et dont les engagements pris par différents acteurs de l’industrie se devront de perdurer au sortir de la cérémonie. In fine, comment parler de cette 36ème édition sans mentionner Yseult ? Sacrée révélation féminine, la chanteuse a interprété son titre “Corps” avec une mise en scène mettant en valeur les corps de femmes, dont le sien. En larmes au moment de recevoir son prix, elle s’est félicitée de sa réussite qui – malgré un confort matériel – s’est longtemps heurtée aux discriminations raciales et physiques.

La “colère”, comme elle l’a déclaré, survient en même temps que cette satisfaction, celle d’avoir été “oubliée” du monde de la musique depuis bien trop de temps (comme beaucoup d’autres). Mais de son discours n’en ressort-il pas une division involontaire ? Et que dire de la cérémonie en elle-même ? Si la volonté de mettre en avant les styles populaires auprès de la jeunesse actuelle, de veiller à une meilleure répartition ethnique et paritale est honorable, la valeur des Victoires ne risque-t-elle pas de devenir plus politique qu’artistique ? Les deux peuvent-ils cohabiter ensemble sans que l’un dévore l’autre ? Rien n’est moins sûr. 

Hervé a également été sacré révélation masculine. Quant à la chanson originale, Grand Corps Malade et Camille Lellouche ont conquis le public avec “Mais je t’aime”. Le Victoire d’honneur pour cette 36ème édition a été remis à Jane Birkin, Victoire accompagné d’interprétations de ses titres les plus emblématiques par Vanessa Paradis, Etienne Daho ou encore Thomas Dutronc. 

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Manon Bonnenfant

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