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Contre la politique culturelle des voix s’élèvent: incompréhensions, contestations, interpellations

Contre la politique culturelle des voix s’élèvent: incompréhensions, contestations, interpellations

09 February 2021 | PAR Lise Ripoche

Alors que la Ministre de la Culture Roselyne Bachelot biffe sans distinction demandes d’attention, appels à la reconsidération et témoignages d’incompréhension, les tribunes et pétitions en faveur d’une transformation de la politique culturelle se multiplient. Toute la Culture se fait chambre d’écho et lien dans le réseaux de ces prises de positions.

 

Surdité sans dialogue

Commençons par ce qui pourrait paraître une petite anecdote, une infime actualité: de celles qui passent et que l’on ne retient pas. Il s’agit d’une interpellation et d’une réponse, et donc de deux prises de paroles, finalement révélatrices de ce qui constitue aujourd’hui les impossibilités du dialogue entre le secteur culturel et la ligne politique du gouvernement. Le comédien Pierre Niney interpelle sur Twitter la Ministre de la Culture, comptabilisant “100 jours d’incompréhension” envers la disparité des mesures de restrictions sanitaires, qui favorisent les lieux de cultes aux théâtres, les magasins aux cinémas… Largement relayé sur les réseaux, la Ministre de la Culture se trouve forcée de répondre au micro de BFMTV: “il manque un chiffre dans cette liste, celui des près de 80.000 décès que compte à ce jour la COVID 19 en France, auquel il faut ajouter les milliers de victimes d’insuffisances respiratoires, qui ne retrouveront parfois « jamais » une vie normale.” Il s’agit là d’un exemple brillant de ce refus au dialogue dans lequel se retranchent les portes-paroles du gouvernement, qui, incapables de donner sens à des mesures relevant de l’absurde, se permettent de brandir les chiffres accablants des victimes de la pandémie comme si ceux-ci rendaient vaine toute pensée critique. 

 

 

Musées: une possible exception ? 

Au cours de cette même interview au micro de BFMTV, Roselyne Bachelot annonce préparer la réouverture des Musées et des Monuments, sans pour autant donner plus de précisions, ni promettre que cette déclaration diffère radicalement de la ligne de conduite ouverte en janvier consistant à attendre “une décrue” des contaminations. Peut-être n’est-il dès lors question que de répondre indirectement aux trois lettres ouvertes parues ces dix derniers jours invectivant le gouvernement à réévaluer la place accordée aux Musées et centres d’arts. Tandis que la tribune publiée dans Le Monde par un “collectif d’amoureux de la culture” et signée notamment par Carla Bruni-Sarkozy et Elsa Zylberstein le formulait ainsi: « Pourquoi maintenir les musées fermés si l’on n’y mange pas, n’y boit pas, n’y fume pas, n’y touche rien, si l’on n’y parle peu et si l’on s’y croise à peine ? », les directeurs des musées, sous l’impulsion d’Emma Lavigne (directrice du Palais de Tokyo) lancent une pétition. Signée par plusieurs centaines de responsables de lieux culturels, elle se termine par ces mots: “L’art, au même titre que la santé, participe à soigner l’âme humaine”. En dressant ce parallèle, la pétition du Palais de Tokyo souligne et dénonce la disparité de traitements et d’égards à laquelle font face les musées et lieux d’arts en France. La pétition appelle à la réouverture de ces lieux, même “pour un week-end, pour un mois ou pour quelques heures”, assurant pouvoir garantir “un accueil de nos visiteurs dans des conditions de sécurité renforcées”. En effet, les musées tentent de faire reconnaître leur possibilité de faire exception parmi les lieux de diffusion de la culture, étant plus aptes à mobiliser un protocole sanitaire irréprochable. Celle-ci est dors et déjà reconnue par une tribune parue dans Télérama et signée par douze directeurs de théâtres qui écrivent: “Nous, directeurs et directrices de théâtres publics, appelons le gouvernement à rouvrir les musées : ceux-ci peuvent être les éclaireurs, la première pierre pour redonner un peu d’espoir et de joie, cette fameuse lumière au bout de ce long tunnel.”

 

 

Arts plastiques et visuels: les oubliés du plan de relance culturel

Publiée le 1e février 2021 dans The Art Newspaper Daily, une pétition, ayant déjà réuni près de 1000 signatures de professionnels du monde de l’art, appelle le ministère de la Culture à débloquer d’urgence des fonds pour soutenir les artistes et la création contemporaine. En effet, les aides financières accordées aux arts plastiques et à la création contemporaine sont marginales dans le plan de relance de la culture. La pétition pointe un “déséquilibre financier” entre les montants alloués aux cinéma, au spectacle vivant, à la musique, aux livres et au patrimoine et ceux dédiés aux arts visuels. Cette situation pointe le mépris pour la précarisation des acteurs de ce secteur, dont on semble penser, à tort, qu’ils ne subissent pas cette crise au même titre que les autres arts. Due à un manque de visibilité ou de considération plus générale, cette tribune se fait l’écho d’une forme de disparité dans les traitements aussi bien envers la culture, en comparaison des autres secteurs, qu’au sein même du milieu culturel. 

Bien qu’elle s’inclue dans les arts plastiques et visuels, la photographie pâtit d’une mesure dégradante supplémentaire. Dans ce contexte d’opacité généralisée, il est facile de faire passer inaperçu (sous couvert d’hermétisme administratif et de flux tendus d’informations) des mesures finalement assez révélatrices des priorités du gouvernement. C’est ce que dénonce le monde de la photographie dans une lettre ouverte parue le 25 janvier: il s’agit selon lui d’un “décret confidentiel”, qui fait de la Délégation à la Photographie un “simple bureau”, et ainsi “piétine des décennies de reconnaissance progressive de cet art“. Les auteurs soulignent que “dans cette période si particulière, où l’expression artistique est malmenée, il est essentiel que les instances gouvernementales soutiennent de toutes leurs forces les auteurs et les artistes”

 

 

crédit visuel: L. Larralde

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Lise Ripoche

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