Politique culturelle
Lancement de l’immense chantier des États-Généraux du Festival Off d’Avignon

Lancement de l’immense chantier des États-Généraux du Festival Off d’Avignon

06 July 2020 | PAR Magali Sautreuil

Le jeudi 2 juillet 2020 a eu lieu la réunion de lancement des États-Généraux du Festival Off d’Avignon. L’annulation de l’édition 2020 et la fermeture brutale de tous les lieux culturels ont donné naissance à une envie de réinventer ce festival auquel tout le monde tient, malgré toutes les souffrances et difficultés qu’il engendre.

Genèse 

Suite à la crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de coronavirus, le 30 avril 2020, l’AAFA (Actrices et Acteurs de France Associés), les E.A.T. (Écrivains Associés du Théâtre), les Sentinelles (Fédération de Compagnies du Spectacle Vivant) et le Synavi (Syndicat National des Arts Vivants) ont lancé un appel à des États-Généraux du Festival Off d’Avignon. Il s’agissait pour ces quatre organisations de mettre à profit le temps libéré par l’annulation du Festival d’Avignon pour en questionner les différents aspects. À ce jour, plus de 1600 signataires ont répondu à cet appel et ont ainsi prouvé la nécessité, ainsi que la pertinence de cette initiative (retrouvez la pétition à signer ici) !

Objectifs 

Le Off d’Avignon a la particularité d’être un festival sans gouvernance officielle. Si au départ cela pouvait représenter un espace de libertés total, cet état de fait a atteint aujourd’hui ses limites. Alors que le festival devrait être un formidable moyen d’expression pour tous les artistes et une scène nationale mettant à l’honneur les créations des petites et grandes compagnies, il engendre aujourd’hui une réelle souffrance et représente un pari très risqué pour tous ses acteurs.  

Il est temps “d’inventer un festival plus juste, plus fraternel, plus créatif et plus beau”, en prenant en compte et en embrassant toute la diversité des acteurs du Off. C’est en nous réunissant tous ensemble que nous pourrons trouver des solutions pérennes à tous les problèmes et difficultés posés par ce festival, qui reste néanmoins cher au cœur de chacun. 

Axes de travail 

Deux fils conducteurs ont été définis :

  • La préservation de la diversité culturelle, en luttant contre l’uniformisation et le formatage des spectacles présentés (durée limitée à 1 h 15, peu de décors en raison du temps de montage et de démontage…) ; 
  • La création d’un festival plus vertueux, obéissant aux principes de l’économie sociale, solidaire et écologique.

Afin de permettre à ces idées de prendre corps, huit commissions de travail devraient se réunir à partir de septembre 2020 :

  • Partenaires ;
  • Architecture et gouvernance ;
  • Synergies lieux-compagnies ;
  • Synergies entre compagnies ;
  • Synergies entre lieux ;
  • Synergies avec les publics ;
  • Un festival dans la ville (logements, transports, alimentaires) ;
  • Synergies avec les diffuseurs et les programmateurs ;

Ces commissions ont été proposées pour lancer la réflexion, mais peuvent évoluer en fonction des retours des personnes.

Pour participer à ce chantier colossal et à l’élaboration de propositions concrètes pour changer le Festival Off d’Avignon, il suffit de vous inscrire ici

De ces réflexions naîtront des améliorations qui seront testées dès l’édition 2021 du Off, avant un déploiement plus large lors de la session 2022. 

Réunion de lancement des États-Généraux du Festival Off d’Avignon 

Plus le temps passe, plus les débats participatifs en ligne et visioconférences sont de mieux en mieux organisés. 

Faute de pouvoir se réunir physiquement, mais aussi pour pouvoir toucher un large panel, le lancement de ces États-Généraux a eu lieu via Zoom. Des règles de prise de parole ont été établies dès le début de la réunion, afin que chacun puisse s’exprimer, que ce soit sur le chat pour les auditeurs libres ou de vive voix pour les mandatés (une soixantaine de personnes choisies au hasard parmi les participants). 

Plus de 200 acteurs venus de tous milieux étaient présents pour cette réunion de lancement : des syndicats, des fédérations, des compagnies, des théâtres, des comédiens, des metteurs en scène, des techniciens, des éditeurs de théâtre, des sociétés de productions, des organisateurs de festival, des collectivités, des personnes en charge de la diffusion et des relations avec la presse, des journalistes, des étudiants, des chercheurs… 

La mobilisation d’une telle diversité de professionnels, si elle tient dans la durée, permettra sûrement de prendre en compte les intérêts et les attentes de tous les acteurs du festival. 

Malheureusement, deux protagonistes majeurs étaient absents lors de ce premier rendez-vous : 

  • Le Ministère de la Culture ;
  • A.F.C. (Avignon Festival et Compagnies).

Notons toutefois que certains membres du Conseil d’Administration d’A.F.C. étaient néanmoins présents en leur nom propre. De plus, Pierre Beffeyte, le président d’A.F.C., a déjà opéré quelques changements (réflexions sur la mobilité, l’hébergement et la transformation du Off en éco-festival lors de forums, mise en place avec l’État et les collectivités territoriales d’un fond d’urgence pour aider les compagnies et les théâtres en difficulté suite à l’annulation de l’édition 2020), qui démontrent une volonté de renouveau. Il s’était également exprimé sur Toute La Culture en avril dernier en constatant que l’annulation du festival suite à la pandémie était “une occasion de redéfinir les relations entre les acteurs du off pour lisser les disparités de fonctionnement. Ce serait l’occasion de s’interroger sur les nouvelles solidarité à envisager ? Au off il y a une opportunité à saisir”.

Peut-être que ces deux entités attendent simplement de voir si tous les acteurs du Off sont capables de parler d’une seule et même voix, afin de faire des propositions concrètes et réalistes. Le chantier est immense. Il est à la hauteur des attentes des uns et des autres. Le plus dur sera d’y répondre avec le même niveau d’exigence.

Assez généraliste, cette première prise de contact a permis d’évoquer de nombreuses problématiques, la principale étant le modèle économique du festival. 

Actuellement, nous sommes dans une logique purement libérale et concurrentielle. À qui cela profite-t-il ? Il est assez difficile de le dire, d’où l’idée de réaliser un audit financier du festival et de ses retombées économiques, en collaboration avec A.F.C. et la Chambre du Commerce pour mieux comprendre ses enjeux et ses réalités. Selon certains, il faudrait imaginer des leviers de régulation pour que le festival soit plus vertueux, de manière à limiter les abus de la bulle financière et des contrats, tout en permettant aux compagnies de rémunérer correctement leurs salariés. Ces dernières doivent en effet supporter de nombreuses charges pour se promouvoir sur la scène avignonnaise (location de l’hébergement, location du théâtre, frais d’impression, transport…). Plutôt que de louer un théâtre, il serait peut-être préférable de privilégier des contrats de co-réalisation. Un logo pour identifier les lieux respectueux des uns des autres pourrait être mis en place. Pierre Lambert, le Directeur du théâtre Présence Pasteur à Avignon, a annoncé la création prochaine d’un comité directeur regroupant tous les lieux de spectacle d’Avignon, afin de garantir une certaine qualité d’accueil, à la fois du public et des compagnies. Certaines personnes ont également évoqué la possibilité pour les théâtres de s’inspirer du festival Fringe d’Édimbourg, où quelques lieux pratiquent une solidarité étonnante entre compagnies (partage de recettes, communication commune…). Enfin, certains participants, constatant un déficit de public au début et à la fin du Off, se sont demandés si le festival n’était pas trop long et si son modèle économique ne serait pas plus viable si sa durée était plus courte.

Outre le modèle économique du festival, la question de la concurrence et de la difficulté pour certaines compagnies d’exister au sein du Off a été abordée. Les nombres de spectacles et de salles se sont largement développés, alors que le nombre de spectateurs est resté plus ou moins le même. De plus, les programmateurs ont tendance à se concentrer sur les principales salles, les théâtres permanents et les compagnies avec lesquelles ils ont déjà travaillé. Dans ce contexte, certains ont proposé un label découvreur de talents, tandis que d’autres ont souhaité revenir à un festival de création, où un même spectacle ne pourrait être joué durant deux ou trois ans maximum. Certains participants se sont demandé s’il ne fallait pas envisager une autre ville pour accueillir le Off. Cela permettrait au festival de ne pas être concurrencé par le In et peut-être d’être accueilli dans de meilleures conditions, les infrastructures de la ville d’Avignon étant dépassées par l’ampleur du festival. Le Off pourrait devenir un festival itinérant, qui se tiendrait dans une capitale régionale différente chaque été.

D’autres personnes se sont interrogées sur le côté éco-responsable du festival et le folklore des affiches. Celles-ci n’assurent pas forcément une visibilité optimale aux différents spectacles et représentent un énorme gâchis. Toutefois, le tout numérique n’est pas non plus une solution, puisque certains publics ne sont pas à l’aise avec la technologie.  

Enfin, toutes ces pistes de réflexion ne sauraient voir le jour et être pérennisées si elles ne sont pas portées par une organisation forte, d’où la question de la gouvernance du festival. Une SCIC, société coopérative d’intérêt collectif, pourrait être envisagée pour réunir tous ceux qui gravitent autour du Off. Il est important d’acter la création d’une organisation du festival pour peser davantage dans les décisions prises, une organisation qui aurait la légitimité d’agir au nom du Off.

De ces premiers échanges ressort une envie de renouer avec un festival plus humain et responsable, invitant à découvrir de nouvelles créations. Si vous aussi, vous partagez ce rêve, n’hésitez pas à participer aux commissions pour qu’il devienne réalité !

Suivez l’actualité des États-Généraux du Festival Off d’Avignon (EGOFF) sur leur page Facebook (ici).

Visuel : © EGOFF.

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Magali Sautreuil
Formée à l'École du Louvre, j'éprouve un amour sans bornes pour le patrimoine culturel. Curieuse de nature et véritable "touche-à-tout", je suis une passionnée qui aimerait embrasser toutes les sphères de la connaissance et toutes les facettes de la Culture. Malgré mon hyperactivité, je n'aurais jamais assez d'une vie pour tout connaître, mais je souhaite néanmoins partager mes découvertes avec vous !

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