[Dossier] Où est passée l’avant-garde?
Dada, les surréalistes, l’Oulipo…Toute la Culture est constamment confrontée à l’avant-garde. Mais il s’agit bien souvent des avant-gardes d’hier : l’événement du début de 2014 était la reprise, presque 40 ans après, de Einstein on the Beach au Châtelet, tandis qu’au cœur de la création le cinéaste Amos Gitaï retravaille l’esthétique du Bauhaus via son père et que la danse contemporaine n’en finit plus d’exposer ses archives.
D’où la fraîcheur d’une question surgie un beau lundi matin de réunion de la rédaction : dernièrement, qu’avons-nous croisé de tellement original que nous nous sommes dits “Wow, je n’ai jamais vu ça avant!”. C’est à la hauteur exacte du moment où nous perdions tous nos repères que nous avons situé l’avant-garde des années 2010. Au moment où l’un d’entre-nous a pu se demander “Mais pourquoi est-ce encore du théâtre?“.
Certaines œuvres singulières nous ont marqués : le mouvement de François Chaigneau ou les ultrascores de Christophe Chassol. Mais comme au bon vieux temps du modernisme, le collectif est un terreau fertile pour la création, qu’il s’agisse de théâtre, de révolutionner la manière d’écrire par le numérique, où même de tenter une percée cinématographique, “Nous est un autre”. Parfois, la création fonctionne en grappe, comme l’innovation. Elle coagule dans une alchimie magnifique autour de festivals qu’on peut cartographier le long de trajectoires comme celles de la ligne 13 parisienne.
L’institution est peut-être là, qui se cache, paternelle parfois et même, à temps, sécurisante pour les artistes du front qui travaillent sans filet de codes. Et c’est tout naturellement que les avant-gardes lui résistent, en mode néo-réac un peu plombant ou à la manière de vieux cinéastes toujours vifs, happant comme des aimants les plus jeunes pousses dans leur sillage. L’équilibre du futur est peut-être bien une question de champs magnétiques…
Visuel : © Clémence Demesme