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Cannes, jour 3 : Almodovar tendre, la maternité selon Jessica Hausner et combat de chefs sur la plage Nespresso

Cannes, jour 3 : Almodovar tendre, la maternité selon Jessica Hausner et combat de chefs sur la plage Nespresso

18 May 2019 | PAR Yaël Hirsch

Première vraie journée où l’énergie de Cannes était à son comble, malgré un temps un peu en demi-teinte, ce vendredi 17 mai nous a permis de voir le nouveau film d’Almodovar, Douleur et gloire, de tomber fou amoureux du film d’animation de Jérémy Clapin, J’ai perdu mon corps et de goûter des plats de compétition des chefs de la deuxième édition de la Battle des guides organisé par Nespresso. 

À 8h30, c’est dans le Palais des festivals que nous avons pu aller découvrir l’un des films très attendus de la Semaine de la critique, en salle Bunuel. Premier long-métrage d’Aude-Léa Rapin, Les héros ne meurent jamais s’inspire des mois et des années passés par la réalisatrice en Bosnie pour nous mener sur les traces d’une réincarnation. Un film qui flirte avec le documentaire (lire notre critique) et est porté par ses trois acteurs : Adèle Haenel, Jonathan Couzinié (aussi co-scénariste) et Antonia Buresi. Nous avons rencontré l’équipe du film avec l’Eicar (Vidéo à venir). 

Pendant ce temps, une autre partie de l’équipe TLC a suivi les aventures tragi-comiques de deux amis, dans The Climb, comédie douce-amère américaine présentée à Un certain regard. Le réalisateur-acteur Michael Angelo Covino et son compère Kyle Marvin réussissent à y imposer un ton, aux références évidentes, mais avec une belle réalisation pour le soutenir.

A 11h, tout de suite après, changement de ton avec 5B, documentaire sur la première unité d’hôpital créée pour soigner, comme des patients normaux, les malades du SIDA dans les Etats-Unis des années 80. Entre émotion et pudeur, les survivants de cette époque se livrent, et détaillent leurs luttes, traçant un récit émouvant et prenant. Un film signé Dan Krauss qui emporte l’adhésion.

À 11h30, c’est à Miramar même que nous avons vu l’un de nos coups de cœur de cette première semaine cannoise : fin, ciselé, réaliste et puissant sur le deuil, J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin est d’une poésie et d’une originalité saisissantes. La main qui a perdu son corps nous mène sur les traces d’un jeune homme heurté par la vie, mais capable de mémoire et de résilience. Le délégué général de la Semaine de la critique a présenté le film avec infiniment de précision et de cœur et une standing ovation l’attend à chacune de ses projections. Nous avons rencontré Jérémy Clapin sur la plage de la Semaine de la critique avec les étudiants de l’Eicar (Vidéo ci-dessous). 

11h45, petit moment de nausée devant la cascade d’hémoglobine qui ne cesse de couler dans le film First love du Japonais Takashi Miike. Fidèle à lui-même, il met en scène un règlement de compte entre deux bandes mafieuses, au milieu duquel vont se retrouver coincés deux innocents. Les têtes sont coupées, écrasées, les corps démembrés. Dans la salle, certains hurlent de rire et d’autres souffrent en silence.

Retour aux très gros moyens, ensuite, à 14h, avec la découverte enfin de Rocketman, film biographique sur Elton John. Pas assez fouillé ou original sur le fond, il peut compter sur une forme travaillée, très feel good, avec numéros dansés, costumes extravagants, musique pop à fond les manettes… Pas un grand film mais un bon divertissement, avec Taron Egerton (la star de la saga Kingsman) dans une bonne performance.

À 17h30, la France et le monde ont enfin pu découvrir le nouveau film d’Almodovar (sorti ce vendredi 17 mai dans toutes les salles de cinéma de France, mais déjà présent sur les écrans espagnols) en compétition officielle. Intense et baroque, comme Almodovar sait le faire, Douleur et Gloire met en scène Antonio Banderas en réalisateur vieillissant qui rencontre des fantômes de sa folle vie dans la movida des années 1980. Cerise sur la gâteau pour les amateurs : la scène la plus émouvante est du .. théâtre filmé. Sur un scénario qu’on juge pourtant bien écrit, au fil de ses scènes, le grand Pedro ne parvient cette fois (selon une partie de la rédaction) qu’à livrer un film un peu empesé, trop encombré par le narcissisme (ennuis de santé, drogue…), qui le conduit à sembler répétitif.

À 19h, sur la terrasse du Mouton Cadet wine bar, dans le cadre d’un apéro sunset magique, nous nous sommes laissés bercer par un verre de vin et  la vue imprenable du lieu. Avec sa marinière, ses mouvements, sa voix haut perchée et son énergie débordante, Andy je t’aime et son complice tout aussi marin nous ont joliment énergisés en nous parlant d’amour. En final, la reprise de la chanson de Pierrot le fou a fini de convaincre qu’Andy je t’aime est un groupe à suivre absolument. 

À 21h30, nous étions sur la plage de la Semaine de la critique pour la deuxième édition de la grande bataille des chefs

Le principe ? Après une coupe de champagne Roederer ou un cocktail à base de café, deux équipes se sont affrontées : d’un côté la couleur bleue et les chefs Fooding, très parisiens, avec Michele Farnesi, Moko Hirayama & Omar Koreitem et Robert Compagnon & Jessica Yang et, de l’autre côté, en rouge, les chefs du guide Michelin, Kei Kobayashi, Mauro Colagreco (Menton) et Christophe Roure (Lyon). Alors que les votes se sont faits à l’applaudimètre, nos chouchous de ce festin des sens étaient plutôt du côté du Fooding : l’élégance de la langoustine au gaspacho de pêche de Kei Kobayashi (Kei, Paris), le salé de l’anchois sur le cru rond de la viande de Moko Hirayama et Omar Koreitem (Mokonuts, Paris). Cette deuxième édition était aussi intense, exigeante et festive que la première.

Vers 22h, le distributeur français Eurozoom nous a convié à une très agréable fête destinée à célébrer ses vingt ans, donnée sur la plage de la Quinzaine des réalisateurs. Champagne, petits fours et ballons à l’aspect cartoonesque et délirant : l’occasion de se rappeler que l’équipe d’Eurozoom accompagna la sortie en France de longs-métrages d’animation désormais connus, qu’il s’agisse de La Traversée du temps (2007), signé par le grand Mamoru Hosoda, ou Un été avec Coo, de Keiichi Hara. Ou plus récemment, le succès Your name, ou dans un autre genre, la grinçante comédie noire belge Au nom du fils… Un moment convivial vraiment sympathique, dans la nuit cannoise, auquel on a été heureux d’être invité par ce distributeur chevronné, qui soutient cette année l’excellent Cendre noire, dans la section Semaine de la critique de Cannes (critique ici)…

À 23h, place à la fête de l’ACID,  sur la plage de l’hôtel Gray d’Albion. Les équipes de Toute la Culture s’y sont retrouvées pour un moment de partage d’avis sur leurs films vus, et de danse. En présence de l’équipe de Vif-argent, et de sa talentueuse actrice Judith Chemla entre autres, cette fête a déroulé une ambiance musicale très rythmée et entraînante, à taille humaine. On a pu y boire un excellent champagne, y saluer l’acteur révélé par L’Inconnu du lac et confirmé par la splendide série française Cannabis Christophe Paou, et s’ambiancer dans le cadre très agréable de cette plage à l’abri de la pluie et du vent. Une soirée pleine de surprises, à l’image de la programmation pointue de l’ACID à Cannes.

La soirée s’est terminée enfin avec la fête du film J’ai perdu mon corps (distribué par Rezo Films), dans une magnifique villa un peu en hauteur, à Cannes, où nous avons même pu – en clin d’œil au Lentos du film – manger des pizzas aux couleurs rouges de cette production d’animation ultra ambitieuse. Dans la matinée, la beauté graphique, l’intelligence et les envies de cinéma émanant de ce long-métrage français nous avaient subjugués. Chaleureuse et rythmée par une excellente sélection musicale dansante, cette fête destinée à célébrer sa présentation à la Semaine de la Critique a pu de surcoît nous faire profiter d’un cadre très plaisant, idéal pour siroter un verre en digérant les visionnages du jour. Ou pour retrouver des amies élèves productrices, ou distributrices, et deviser avec elles des attentes offertes par Cannes pour le travail. En prévision du jour d’après…

Visuel en une : Vue sur le Palais depuis la suite Sandra & co.

Retrouvez tous les films des différentes sélections dans notre dossier Cannes 2019

Visuels © Anka Gujabidze/ Lisabi Fridell

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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