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Une 5e édition très rodée pour Do Disturb au Palais de Tokyo

Une 5e édition très rodée pour Do Disturb au Palais de Tokyo

14 April 2019 | PAR Yaël Hirsch

Cinquième année et grande maturité pour le Festival international de performance que propose chaque Printemps le Palais de Tokyo. Depuis vendredi 12 avril 18h jusqu’à ce dimanche 14 avril à 18h, Do Disturb propose un florilège d’explorations théâtrales, dansées et projetées… 

Pour cette édition 2019, aux propositions du Palais de Tokyo – qui garde ses expositions de la “Saison sensible” (lire notre article) ouvertes et notamment Angelica Mesisti et Theaster Gates – s’ajoutent celles des institutions internationales : Centrale Fies, Triangle France, BAR Project, Gasworks, le Centre Wallonie Bruxelles, le Watermill Center et le Centre National de la Danse.

Vendredi soir, le lent, lancinant et très brillant ensemble chorégraphique “Diorama” de Ingri Fiksdal vous accueillait au Festival : Un amas de sacs argentés mus de l’intérieur et très doucement par des danseurs. On a pu retrouver cette installation au fond de la friche, au pied des escaliers, le reste du week-end.

Au niveau 2, qui est celui de l’entrée, La Horde (un collectif très créatif que Toutelaculture suit depuis ses débuts et dont trois membres, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel et Marine Brutti, viennent d’être nommée à la tête du Centre Chorégraphique National de Marseille) s’est installée dans les escaliers qui grimpent vers les cieux du Palais. Autour d’une vidéo assez glossy, La Horde proposait avec “Cultes” une réflexion assez poussée et très dansée sur l’expérience des festivals. Lieu de parade amoureuse, de consommations (alcool, drogue, mais aussi idées) les festivals sont l’occasion de danser très lentement un lâcher prise séduisant. Mais Do Disturb c’est quoi déjà ? Ah vraiment ? Un festival ? Nous avons vraiment aimé que le collectif nous rappelle de réfléchir à ce que nous étions de faire en nous laissant happer et en nous déplaçant dans le Festival comme des consommateurs aguerris.

Parfaite transition : au milieu des escaliers de la performance de la Horde Finissante, Mehdi Besnainou a traversé l’installation de La Horde avec un grand chapeau pour prendre place sur le promontoire de niveau 2 et se lancer dans une conférence un peu folle : “Enter the Palmtree Show”. Tout aussi pataphysique, la performance “DSM V1″de Yoan Sorin, déguisé en grande main baladeuse est une expérience dada pataphysique ou la haine disparaît avec les “N” du nom de l’artiste : welcome Yoa Sori.

Au niveau -1, dans la pénombre du Saut du Loup, Mercedes Dassy attire une foule jeune et nombreuse avec son “i-clit” où elle incarne Beyoncé en excellente danseuse de hip-hop, avec une volonté réflexive sur le féminisme 2.0.

Dans la Rotonde du Palais, Delphine Roche a installé un ring de boxe bleu blanc et rouge pour la performance « No sweat last night ». Superposant deux types de battle – les arts martiaux à deux, le hip hop, nombreux- la pièce fait cohabiter des mondes séparés par le ring et laisse place à pas mal d’impro.

Toujours dans la Rotonde, se glissant l’air angoissé vers le centre de la rotonde en passant par le dos des spectateurs assis, les danseurs d’IFDM (I Figli di Marla) ont rampé jusqu’en bas des escaliers en sous vêtements couleur chair pour nous faire entrer dans l’univers des individus hautement sensibles (« High reactors »). Une performance qui a fini en chorégraphie entre expressionnisme et Kabuki au cœur du Palais.

A côté, au Little Palais qui vient d’ouvrir ses portes, parfaitement paranoïaque mais avec une délicatesse japonaise « Remain Calm » de Niel Koening nous a mis en état d’urgence pour s’exercer à sortir calmement par les issues de secours. Une performance chromatique et angoissante.

 

Juste après la porte de la Friche, alors que deux expériences de VR sont proposées, l’espace numérique du Palais accueille deux performances élaborées sur les projections et l’image des femmes : Invitation au « Binge watching » la performance « Blonde on demand » de Lacey Dorn se passe dans ce studio au mur vert. Sur demande et par numéro de 1 à 30, l’actrice rejoue les blondes les plus mythiques de l’histoire du cinéma de Brigitte Bardot dans le mépris à Reese Witherspoon dans Legally Blonde en passant par Frances McDorman dans Fargo ou BB dans Le Mépris. Les techniciens balancent un décor de carton pâte mais très reconnaissable comme écrin à ses mimiques très travaillées et quasi-mécaniques (oui même pour l’orgasme doublement mimé de Quand Harry rencontre Sally).

Et entre deux rôles très mécaniquement endossés la blonde fait sacrément la tête… Au même endroit, mais tenant elle-même la caméra qui projette son visage sur le clip, Ophélie Demurger se livre à un travail de précision avec “Céline et moi sur fond vert”: du maquillage à la performance de chant, elle fond son image à celle de Céline Dion, période “D’eux”.

Dans les fonds sombres de la friche, Miles Greenberg propose avec « Eine Romanze » un moment esthétique, continu et très dérangeant : sur fonds de corps africains nus, une rencontre amoureuse ratée est revécue avec une lenteur sidérante.

Et enfin, la plasticienne bulgare Gery Georgieva propose une installation ET une performance sur l’identité, volontiers féminine, qui mêle folklore balkanique (elle commence en robe traditionnelle en portant l’eau), icônes internationales américaines, soirées de danse entre copines et images de la femmes sensuelle des années 1970. C’est pop, c’est divers et éclate l’éternel féminin en un joyeux kaléidoscope.

 

Une édition riche, foisonnante à souhait, très accessible aux plus jeunes spectateurs, allez encore déambuler aujourd’hui à la rencontre de chocs avec Do Disturb.

visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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