Une “Lady Macbeth de Mzensk” puissante à l’Opéra Bastille
Ce samedi 13 avril, nous avons pu découvrir la nouvelle production de l’opéra de Chostakovitch, Lady Macbeth de Mzensk (1934) avec sa chanteuse Aušriné Stundyté, remise de sa chute de mardi dernier. Un portait de femme saisissant que scénographie somptueuse de Krzysztof Warlikowski et Malgorzata Szczesniak a encore sublimé.
Tout commence par des vidéos fluides et sombres, quelque chose est en gestation sur le grand plateau que Warlikowski a transformé en grand abattoir pour permettre à l’Opéra de Chostakovitch de “balancer ses porcs”. Au delà de quelques passages de carcasses et quelques traces de sang assez justifiés par la scène de viol présente dans le livret, la note est plutôt esthétique et froide que vraiment choquante : de grandes structures se baladent sur le plateau comme dans un rêve d’industrie communiste de pointe, la lumière de Felice Ross est comme toujours sublime et les vidéos de Denis Gueguin viennent à point (notamment dans l’intermède entre les troisième et quatrième acte où est joué le premier mouvement du 8e quatuor de Chostakovitch).
Pour le reste, tout nous pousse à ne pas quitter des yeux une vraie héroïne d’Opéra : fatale et forte, qui élève sa voix bien haut pour les années 1930. L’adaptation par Alexandre Preis et Dmitri Chostakovitch du livre de Nicolaï Lestov permet de suivre le devenir d’une femme bourgeoise, délaissée par son mari et qui brave le patriarcat dans un double meurtre (dans le livre c’est assorti d’un infanticide) pour suivre son amour et sa voie.
Dirigée par Ingo Metzmacher, la musique de Chostakovitch est absolument diverse, tendue et enchanteresse. On oscille entre les mélodies personnelles et le grondement de l’histoire qui a quelque chose d’une fête foraine. Du début à la fin, l’énergie et la puissance de la voix de Aušriné Stundyté sont bluffantes. Elle incarne toute en force cette Lady MacBeth de Mzensk qui brave les lois des hommes et son air de pur désir “Le cheval se hâte de rejoindre la jument” elle est sublime et dans l’air final “Dans un bois, bien souvent il y a un lac”, elle a toujours la même force. En face, dans le rôle de l’objet d’amour, Pavel Cernoch navigue bien entre le machisme et la sensibilité du personnage de Sergueï avec une voix enveloppante et constante.
Une histoire surprenante, une Lady McBeth attachante, une lutte des classes et des sexes en marche et surtout une musique vraiment puissante à entendre à l’Opéra Bastille avant le 25 avril.
visuel : Bernd Uhlig (c) onp