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[Interview] (LA) HORDE “Il y a une danse post-internet”

[Interview] (LA) HORDE “Il y a une danse post-internet”

05 May 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Voilà déjà un moment que l’on regarde de près (LA) HORDE, collectif d’artistes découvert lors du spectacle Void Island qui mettait au plateau des amateurs âgés. Le mot est lâché « collectif ». Si au théâtre le dispositif est en place depuis longtemps avec les travaux du TGSTAN ou de l’Avantage du Doute, en danse, cela est rare. L’occasion pour nous de rencontrer Arthur Harel, Céline Signoret, Marine Brutti et Jonathan Debrouwer à quelques jours de leur première française de Avant les gens mouraient, vendredi 8 mai à la MPAA Saint Germain.

( Ils se regardent, se marrent, se demandent qui va se lancer avant de répondre, Marine se lance)

“Jonathan et moi on était dans la même école, on se connait depuis dix ans. Arthur et Céline ont beaucoup dansé ensemble. On s’est rencontrés il y a quatre ans et naturellement on a commencé à parler travail. Rapidement on a eu envie d’une structure qui nous permette de développer nos projets. (LA) HORDE est née il y a quatre ans.”

On se demande si dans ce collectif talentueux il n’y a pas des enjeux d’ego et des envies de leadership. Marine reprend “On est tous les quatre au même niveau. Il n’y a pas de leader temporaire. On a tous nos spécialités. Arthur et Céline sont plus danse. Jonathan et moi plus installation/ vidéo, mais au fond on est tous les quatre autour de l’œuvre, on s’intéresse tout autant au mouvement qu’eux à la vidéo.”

Ils se considèrent comme un collectif d’artistes, cela ne fait aucun doute dans leurs voix. Mais leur médium est la danse. Arthur confirme : “dans les créations que l’on a mises en place, la dramaturgie dans des corps silencieux cela nous parle plus”. Céline ajoute : “c’est la place du corps dans un milieu. On ne travaille pas le mouvement pour le mouvement”. Marine dit : “il y a beaucoup de choses qui sont visibles dans la danse, mais même pour le projet Void Island on a pensé un travail pour un groupe de personne.

Il y a chez ce collectif un parfum de radicalité et d’expérience. Ils sont heureux de l’entendre. Jonathan dit : “on ne fait pas des spectacles pour plaire aux gens, ce que l’on veut c’est que le spectateur s’ouvre et se questionne.”

Le corps est au centre de leur création. Il y a peu de temps, ils ont été invités par la Biennale de Saint Etienne. Ils y ont répondu avec deux actes : un film et une performance dans une ancienne usine d’armement qui va être réhabilitée. Arthur raconte : “on a travaillé avec une équipe de cinéma dont Kanamé Onoyama”. Le tournage a duré quinze jours avec une chanteuse lyrique, et des manipulateurs de machine Fenwick. Ici les personnages du film prenaient vie dans le réel.

Jonathan ajoute : « c’était démentiel, le plateau était d’une profondeur de 40 mètres, il y faisait froid, faire le noir était compliqué. La radicalité vient de notre recherche de l’essentiel. Marine embraye : “Nous avons eu une commande de carte blanche de la part du co-commissaire de la Biennale Internationale Design 2015, Benjamin Loyauté”. L’homme avait vu Void Island et a demandé au collectif de “faire quelque-chose”. Marine dit : “il fallait être en lien avec la ville et le lieu. Nous avons envie de travailler sur le corps machine”. En résulte une performance unique vue par les chanceux et un film qui si tout va bien sera projeté au Centre Pompidou pour la Nuit des Musées. Car, Beaubourg, rien que ça, les a invités pour intervenir au Studio 13-16 du 13 au 27 mai 2015 et leur a offert une carte blanche pour la journée européenne des musées. Céline commence “Tout commence par une gavotte. Cela est vrai. On a voulu travailler sur la question de la transmission des danses traditionnelles sur internet. Ce que l’on a voulu éveiller dans les regards des ados c’était le fait de les rendre acteurs. On va les amener à créer leurs propres vidéos. Le mot “gavotte”, Arthur reprend “c’est un pied de nez”, et Jonathan “les bals disparaissent, ils sont remplacés par le web”. Arthur dit : “Il y aura quatre jumpers qui performeront le 16 mai. Marine : “Quand on a projeté le film de la Biennale, on avait envie de faire sortir de l’écran les personnes qu’on a filmé pour qu’elles soient des courroies de transmission avec les ados. Tout ce qui mène à la création d’un spectacle fait partie du spectacle.  On voulait faire saisir ça aux gamins, qu’ils puissent trouver chacun la place qui leur convienne. S’ils ne veulent pas danser, ils auront d’autres possibilités.”

Céline : “la radicalité vient du fait que l’on pense à quatre. On doit décider d’une voix commune”. Ils travaillent en se nourrissant des spectacles, des films, des expositions qu’ils voient. Ils disent “passer leur vie ensemble”. Marine dit : “On créé une mémoire du collectif, le collectif ce n’est pas une personne mais c’est une entité. Chacun apporte à l’autre dans son domaine”. Elle ajoute «ce que l’on met en commun c’est la façon dont on vit les mêmes choses de façon différente »

Vendredi aura lieu la première de Avant les gens mouraient. La création a eu lieu suite à une résidence à l’Ecole de Danse Contemporaine de Montréal dont (LA) HORDE a bénéficié  dans le cadre du programme MAP des «Pépinières européennes pour jeunes artistes» qui permet à un artiste de moins de 35 ans d’être accueilli. Il s’agissait de créer une pièce originale pour la cohorte de 16 étudiants finissants. Arthur raconte : “Avant les gens mouraient on l’a créé dans ce cadre-là, on s’est relayés là-bas. On a travaillé avec quinze danseurs ultra performants, disponibles et très professionnels et avec deux chorégraphes qui sont Frédérick Gravel et Mélanie Demers. Marine raconte : “on n’avait pas d’idée précise en arrivant et on a eu envie de retourner la situation. On a pris le Jump Style qui est une danse européenne qu’ils ne connaissaient pas”. Arthur : “Ils ont dû désapprendre”. Marine : “Ils ont été suivis par des coachs pour pouvoir tenir en cardio”. Jonathan : “Le jump Style se transmet par internet et ils se répondent via youtube de façon internationale”. Arthur : “on s’est intéressés à ce processus de transmission de danse”. Arthur : “ce qui nous a intéressés c’est comment une danse urbaine s’apprend seul derrière son ordi et comment ensuite cela passe dans la réalité. Pour la Biennale on a rencontré ces jumpers « en vrai » car beaucoup viennent de la région de Saint-Etienne”.

Marine ajoute « aujourd’hui on s’interroge dans l’art sur la représentation post-internet. Il y a une danse post-internet. Ce que l’on voit au plateau ce sont des choses que l’on n’apprend plus par les mêmes canaux. Je pense au Twerk, au Voguing, au Harlem Shake. »

A suivre de près donc. Et à voir les 8 et 9 mai 2015 à 19H30, MPAA SAINT-GERMAIN, 4 rue Félibien – 75006 Paris Renseignements / Réservations
01 46 34 68 58

Visuels : DR

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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