Hervé Hamon épie Ceux d’en haut

Editeur et journaliste, Hervé Hamon est aussi écrivain. L’auteur du remarqué Les intellocrates et de Tant qu’il y aura des profs vient de publier Ceux d’en haut, ouvrage récemment paru aux éditions Le Seuil.

LE POUVOIR ET CEUX QUI L’EXERCENT
Hervé Hamon a commencé par rencontrer les patrons du CAC 40 et les patrons du secteur public. Ensuite, un dialogue s’est instauré sur leur pouvoir et sur leurs relations avec le personnel. L’auteur leur a demandé si leur pouvoir est réel, s’il est légitime, ce qui les fait jouir, ce qui les inquiète, comment ils gèrent leur personnel, ce qu’ils font de leur argent, quels rapports ils entretiennent avec les gouvernants et avec médias.

INTERPÉNÉTRATION DES POUVOIRS ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE
Faisant le constat de l’interpénétration des pouvoirs économique et politique via les réseaux des grandes écoles et des grands corps de l’Etat, l’auteur s’est ensuite tourné vers d’autres décideurs, comme par exemple les maires de certaines grandes villes et quelques anciens premiers ministres. Il s’agissait de comprendre ce qui relie les différents centres de décision.

PORTRAITS DE PUISSANTS
L’auteur esquisse notamment le portrait de Franck Riboud, lequel est à la tête d’un véritable empire. Toutefois, ce dernier a une vision extrêmement originale de son métier. Pour lui, ce qui importe le plus, ce sont « le social, le sociétal, l’environnemental ».

Jean-Paul Bailly, l’actuel PDG de La Poste, a été interrogé par Hervé Hamon sur la vague de suicides qui a touché le personnel de l’entreprise. Pour lui, les syndicats sont en train de perdre la main. De plus, selon le dirigeant, les syndicats passent d’une revendication structurée sous des formes collectives à l’instrumentalisation de faits divers. Ceux-ci pécheraient donc par amalgame et n’hésiteraient pas à jouer de l’émotion et des médias. Il vise tout particulièrement le syndicat Sud.

Cette prise de position très critique sur les syndicats a été vivement critiquée. A tel point que le journal « La Tribune » s’est fait l’écho d’une prudente prise de distance de la part de Jean-Paul Bailly à l’encontre des propos rapportés par Hervé Hamon…

LES « AMBIGUÏTÉS » DE l’ENQUETE
C’est incontestablement une bonne idée de faire parler ceux qui exercent le pouvoir afin qu’ils se racontent eux-mêmes. La description des lieux du pouvoir, comme par exemple le quartier de La Défense et le boulevard Haussmann, était prometteuse. Mais, au fil des pages, on tourne vite en rond. Tout est assez superficiel, les personnes qui rencontrent Hervé Hamon ne se livrent pas suffisamment. Il n’y a pas assez d’intimité, les échanges sont un peu trop conventionnels et convenus. Les réflexions critiques n’abondent pas.

De surcroît, Hervé Hamon n’a peut-être pas rencontré les « bons » hommes de pouvoir. Quid d’Hervé Proglio, qui voulait cumuler les fonctions de PDG de Veolia et d’EDF ? Quid de Laurence Parisot, qui souhaitait modifier les statuts du MEDEF pour rester plus longtemps à la tête du syndicat patronal ? Quid de Jean-Louis Borloo, président du parti radical, qui entendait modifier les statuts de sa formation pour prolonger son mandat ? Dommage.

Hervé Hamon, “Ceux d’en haut”, Le Seuil, 4 avril 2013, 272 p., 19 euros.