Arts
Un cocktail d’expositions singulier au musée d’art contemporain de Bordeaux

Un cocktail d’expositions singulier au musée d’art contemporain de Bordeaux

18 August 2012 | PAR Sarah Barry

Depuis la fin du mois de mai, un assortiment de petites expositions est installé dans les gracieux espaces du  CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux. Tour d’horizon de ces différents ensembles, qui chacun à leur façon interrogent l’art contemporain.

Visiter Bordeaux suppose un passage obligé par le CAPC, ne serait-ce que pour l’architecture du lieu. L’entrepôt Lainé est construit en 1824 à proximité des quais, en bord de Garonne, selon les plans de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Claude Deschamps. Il fait l’objet d’une inscription à l’inventaire des Monuments Historiques et devient un lieu culturel à la suite de son acquisition par la ville de Bordeaux en 1973. Après différentes expositions à succès, la transformation en véritable musée d’art contemporain se fait en 1984.

Le bâtiment rectangulaire surprend immédiatement le visiteur par son immense espace central, conçu comme une double nef, et idéal pour la présentation d’oeuvres d’envergure. Scandé par de grandes arcades de pierre s’ouvrant sur des  allées latérales, qui elles-mêmes donnent accès à des espaces d’exposition secondaires, le musée se montre très fonctionnel. Les immenses cimaises amovibles se mettent au service des fantaisies des artistes et des concepteurs des expositions, qui peuvent adopter un discours original et proposer une lecture très personnelle de l’espace, d’une manifestation à l’autre.

Plusieurs expositions sont à découvrir en ce moment …

 

Rétrospective Michel Majerus, dans la nef (du 31 mai 2012 au 23 septembre 2012) :

Artiste luxembourgeois, élève de Joseph Kosuth à l’Académie des Arts de Stuttgart, Michel Majerus (1967-2002) s’est fait connaître notamment par le biais de sa première exposition personnelle à la Kunsthalle de Bâle, et de l’oeuvre monumentale qu’il réalise pour la façade du pavillon italien lors de la Biennale de Venise en 1999. D’ailleurs le monumental, c’est son dada ; sa première rétrospective française au CAPC en témoigne.

Installations et peintures colossales se côtoient sous les voûtes de l’entrepôt Lainé, ornées de motifs dégotés dans des jeux vidéos, des bandes-dessinées, des publicités. En cela, l’artiste est résolument Pop. Les couleurs vives sur fond blanc aseptisé, les textes parfois vulgaires, porteurs d’un message simple, le joyeux assemblage de références, tout cela correspond à cette idée d’un art consommable, accessible, populaire. Néanmoins, Michel Majerus se détache des Andy Warhol et autres Roy Lichtenstein, ainsi que de cette tendance à encenser l’American Way of Life. “Fuck the intention of the Artist”, voilà la devise qui s’étale sur  la principale installation de l’exposition : If you are dead, so it is (voir ci-contre) est une peinture prenant la forme d’une rampe de skateboard de 43 m de long, praticable en skateboard ou en rollers par les visiteurs lors de séances organisées. Cette oeuvre correspond au gigantisme caractéristique de Michel Majerus, soucieux d’en mettre plein la vue. On apprécie le contraste Pop art / architecture ancienne, la gourmandise des oeuvres lisses et colorées ressortant idéalement sur fond de pierre et de bois.

 

Make-up, un choix parmi les collections du CAPC et de Société Générale, dans la galerie Foy, rez-de-chaussée (du 31 mai 2012 au 2 septembre 2012) :

Ont été choisies en priorité pour cette présentation des oeuvres peintes, chacune représentative d’un effet particulier adopté par la peinture contemporaine. Make-up en anglais signifie “maquillage”, mais aussi “composition” ou “mise en page”. La peinture, par cet acte qui consiste à poser de la matière pigmentée sur une surface pour qu’elle y gagne une spécificité esthétique, conceptuelle, peut être apparentée au maquillage. De même, les images peintes délivrent un message plus ou moins immédiat à leurs spectateurs, mais recèlent également des sens cachés, injectés consciemment ou non. Peinture et maquillage montrent aussi bien qu’ils cachent.

Entre autres noms : John Baldessari, Olaf Breuning, Andy Warhol.

 

Surveiller et prévoir, dans la galerie Foy, rez-de-chaussée (du 31 mai 2012 au 23 septembre 2012) :

Cette exposition s’artcicule autour d’une étude préalable à la restauration d’une oeuvre d’Enzo Cucchi, Sans titre (1985). Le musée propose aux visiteurs de découvrir une documentation vidéo très haute définition sur ce que peut être le vieillissement d’une oeuvre, ses différentes altérations, leurs causes, et sur les solutions de restauration qui peuvent être apportées. C’est une démarche originale qui invite le public à prendre connaissance du travail du conservateur et du restaurateur d’oeuvres d’art, mais aussi à prendre conscience véritablement de la présence de l’artiste derrière le tableau.

 

L’oeuvre et ses archives, dans la galerie Foy, 2ème étage (du 9 février 2012 au 9 décembre 2012) :

L’oeuvre d’art contemporain est vivante : elle peut se mouvoir dans le temps et l’espace, selon le souhait de l’artiste, qui éventuellement la transforme et l’expose de différentes manières. Un musée, comme nous venons de le voir, travaille à la conservation et si nécessaire à la restauration de ses collections. Mais il doit également penser leur présentation : comment cette dernière peut-elle évoquer l’histoire d’une oeuvre, les différents processus mentaux et mécaniques qui ont fait d’elle ce qu’elle est ? Quelle expérience esthétique peut alors être vécue par le public ?

Le CAPC se livre donc à une autre tentative de reconstitution d’une réalité muséale, en proposant une étude démonstrative de trois oeuvres qui ont connu des modifications et qui illustrent ce questionnement autour du rôle du musée comme contenant d’objets changeants :

Quelques jours avant l’exposition (1997) de Claude Rutault : quatre tableaux qui se métamorphosent à chaque exposition étant donné que l’artiste demande au musée (le “preneur en charge” selon lui) de peindre les toiles de la même couleur que le mur. A leurs côtés, un projet “d’archive picturale” conçu par Claude Rutault, Histoire d’une légende et réciproquement.

En place, trois volumes pour une bibliothèque : 4.473 pages en 3 éléments, 1991-1997-2005-2012 de Daniel Buren : après une publication en trois tomes des Ecrits de Daniel Buren au CAPC en 1991, 98 exemplaires du coffret sont présentés côte à côte dans une bibliothèque sur mesures, une bande de peinture rouge appliquée tous les 8,7 cm sur la toile ainsi créée. En 1997, l’artiste fait don de trois coffrets au CAPC, avec ses instructions. Ces dernières obligent le musée à accrocher l’oeuvre de façon à ce que chaque objet conserve la place qu’il occupait dans la bibliothèque de 1991.

Que faire ? de Mario Merz : il s’agit d’un ensemble d’objets très variés qui se sont ajoutés, modifiés et exposés de différentes façons au cours du temps, selon le souhait de l’artiste. Des photographies et des archives permettent de reconstituer l’évolution de l’oeuvre, et témoignent des rapports que Mario Merz a entretenu avec elle dans divers moments de sa vie. C’est la première fois que cet ensemble est réinstallé depuis le décès de l’artiste en 2003. Comment le musée doit-il présenter l’oeuvre, une fois son concepteur disparu ? Aucune des installations historiques n’a été reproduite, les objets sont présentés côte à côte.

 

 

Ainsi, le CAPC reste fidèle à ce qui a fait sa renommée, avec ces expositions conçues elles-mêmes comme des créations artistiques, en harmonie avec le cadre architectural ; des installations souvent uniques, que l’on ne saurait voir ailleurs. Le visiteur vit une expérience dynamique tandis qu’il est amené à déambuler à sa guise dans le musée, et à contempler les oeuvres selon de multiples points de vue.

 

Visuels : (c) Sarah Barry

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Sarah Barry

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