Une Lucrèce Borgia de cinéma avec Marina Hands, à l’Athénée
Sous la direction de Lucie Berelowitsch, la belle Marina Hands se glisse dans la peau de la sulfureuse empoisonneuse. Une version très pasolinienne de la pièce du Hugo, où les corps et les décors sont à la fois violents et beaux, parfois au détriment des mots. Jusqu’au 19 octobre.
Pour lire notre critique de ce spectacle lors de son passage au Théâtre du Nord, c’est ici.
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A Ferrare, au début du 16ème siècle, un jeune homme sans prédigéré apparent, Gennaro (le jeune et juste Nino Rocher) arrache une initiale du nom de Borgia du Palais Ducal, attaquant par là la femme du duc de Ferrare, la sulfureuse Lucrèce Borgia (Marina Hands). Amoureuse de ce jeune homme vif, qui lui est lié sans le savoir par le sang, Lucrèce ne sait pas qu’elle demande sa tête quand elle demande à son mari de punir définitivement son honneur outragé…
En un quart de seconde, le spectacle commence dans une orgie de violence : la lumière s’éteint d’un coup et un homme est déshabillé et pendu au plafond pour être torturé. Le ton nietzschéen et animal de la mise en scène est donné. Devant une grande et belle structure art nouveau qui fait penser à un jardin des plaisirs, mais dans une lumière toujours menaçante, les personnages tournent comme des lions en cage et se jettent les uns sur les autres avec la sensualité de jeunes chiots affamés. Ils sont tous beaux, acteurs de cinéma sublimés, qui demeurent à l’ombre de la très haute de taille et du corps de Liane de Marina Hands. Il y a aussi un côté “Grande Bellezza” dans leurs orgies somptueuses, rythmées à grands renfort de techno, mais une beauté sans plus aucun vernis de culture et qui excuse Lucrèce : elle est simplement une femme de son milieu et de son temps. Et l’on aimerait pouvoir la comprendre, cette empoisonneuse : la sortir du rôle hiératique de la femme-fatale, femme-objet est une excellente idée. Mais, certainement pour donner un effet de vivacité et de vitalité, les acteurs balancent leurs textes comme pour s’en débarrasser. Et aux moments clé, on leur demande de chuchoter. Si bien qu’on n’entend presque plus le rythme de la langue de Hugo, qu’on perd de nombreux mots et que, bien souvent, les acteurs décontenancés tombent dans la voix de fausset. Dans sa “Lucrèce Borgia” Lucie Berelowitsch a fait le choix du corps et de l’élan vital, quitte à sacrifier les mots, un choix audacieux qui séduira une partie du public et heurtera certainement les amoureux du texte du Victor Hugo.
Lucrèce Borgia de Victor Hugo, mise en scène ; Lucie Berelowitsch, avec Marina Hands, Thibault Lacroix, Antoine Ferron, Dan Artus, Jonathan Genet, Julien Gosselin, Nino Rocher, Elie Truffaut, durée du spectacle : 2h.
Du 3 au 19 octobre. Reservations.
© Nicolas Joubard