« Le 23 octobre 2002 : j’ai perdu la foi » : une jeunesse noire, rock, envoûtante
Dans le cadre du festival théâtral Préliminaires, on a pu découvrir ce texte d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Mis en scène avec une belle énergie par Yohan Manca. Un spectacle embrassant punk rock, dépression et utopies, et ne rendant qu’un parfum de jeunesse furieuse.
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Nous sommes assis. Au plateau, une énergie menaçante se lève, dans le noir. Puis le spectacle commence, et une troupe très jeune fait son entrée. Un chanteur, une chanteuse, un guitariste, un bassiste, une batteuse. Plus un esprit bizarre en cuir noir. Ils lancent un premier morceau rock, sous influence punk. Puis balancent du texte, de manière frontale. Bienvenue dans les mots d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, ici empoignés par nos jeunes. C’est peu dire qu’on retrouve dès les premières phrases son style concret, concis, parsemé d’images aussi sociales et politiques que discrètement lyriques. Ce texte-là, il l’a pensé, au départ, avec un camarade du Conservatoire de Paris : Thomas Scimeca, des Chiens de Navarre. Puis mûri, avec l’état de pensée de ce compère en tête.
Le 23 octobre 2002 : j’ai perdu la foi est peut-être son texte le plus physique. Celui qui fouille le plus les corps. C’est d’abord le charismatique Etienne Baret qui nous raconte, à coups de phrases brèves, sa vie de jeune quelque peu dépressif. Dans une période qui pourrait être la fin des années 80, ou 90, on ne sait pas trop. La musique continue. L’élancée Heidi-Eva Clavier lui emboîtera bientôt le pas, de façon plus sombre. Les deux dessineront une peinture fragmentée, dans laquelle on pourra glisser nos rêves à nous. Après cette exposition à la forme incantatoire, c’est justement de rêves déçus qu’il s’agira. Ceux de Madame Poteau, la batteuse (Florence Fauquet, flamboyante), lancée dans une plainte amoureuse vis-à-vis de Patrice, jeune homme plein de références ; et ceux du susdit Patrice (Stéphane Ramirez, tellement juste), qui nous raconte son expérience burlesque et jusqu’au-boutiste du capitalisme. Il ne restera plus dès lors, après une bulle plus rigolote assurée par Marie Petiot, qu’à laisser venir la scène finale : un acte gratuit commis par un anonyme (Jean-Baptiste Tur, détaché, puissant), dans le but… de faire quelque chose. Et de sceller la mort de certaines utopies.
L’énergie et la justesse de ce groupe accrochent terriblement. La frontalité de l’écriture, qui fait s’exprimer chacun à tour de rôle, longuement, aussi. Quelques scènes passent trop en force. Mais le plus souvent, la simplicité de la mise en scène de Yohan Manca, qui s’en remet à un jeu entre ombre et lumière, à de longues plages musicales, et à une utilisation de toute la salle, sait nous rattraper. Et Pierre-Marie Braye-Weppe, à la fois guitariste et violoniste virtuose, de nous embarquer dans ses délires mélodiques… Un spectacle, en tout cas, qu’on espère revoir programmé.
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Le 23 octobre 2002 : j’ai perdu la foi , d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Mise en scène de Yohan Manca. Avec Etienne Baret, Heidi-Eva Clavier, Florence Fauquet, Stéphane Ramirez, Marie Petiot, Jean-Baptiste Tur, et au violon et à la guitare, Pierre-Marie Braye-Weppe. Composition Musique : Pierre-Marie Braye-Weppe. Scénographie : Jeanne Boujenah. Lumière + Création Son : Jimmy Boury. Durée : 1h25. Production : compagnie EXIL65.
Visuels : © Mickael Pinelli