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La beauté de la mort avec Sleeping de Serge Nicolaï

La beauté de la mort avec Sleeping de Serge Nicolaï

02 February 2021 | PAR Lalouchi Naoual

Le 28, 29 et 30 janvier 2021 le Monfort-Théâtre accueillait la nouvelle création de Serge Nicolaï / cie The Wild Donkeys pour un public presse. Inspiré du chef d’oeuvre japonais Les Belles Endormies de Yasunari Kawabata, Sleeping nous transporte le temps d’une heure dans un univers onirique qui conduit à la mort. 

Une plongée dans une étrange maison de prostitution ou dans une clinique ?

Une scène sombre et sobre accueille deux bancs de pierre. Les pendrillons coté jardin sont transformés en portes. Puis les lumières s’éteignent totalement. Une grande toile blanche verticale recouvre le fond de scène comme dans une salle de cinéma et projette un ciel bleu nuageux. Un homme âgé apparaît tirant sa valise, suivi d’une aide soignante. Très vite on comprend qu’il s’agit d’une clinique. Mais en est-ce réellement une ? 

Cet homme âgé c’est Yoshi Oïda, dans le rôle de Eguchi. Il s’exprime en japonais, toujours de manière très poétique. L’écran du fond de scène traduit en sous-titrage ses paroles. Le bruit de la pluie qui tombe sur la mer. En parallèle, des images défilent tout au long de la pièce. Passant de l’abstrait à des couleurs rayonnantes, ou à du noir et blanc. Mais aussi des flash de souvenirs, des rues de Tokyo, un trafic routier, des images frénétiques qui accompagnent plusieurs scènes. La musique est douce et naturelle. Mais aussi forte et extravagante par moment. Un musicien est présent sur scène, il joue de la flûte et du tambour. La nature est très présente, notamment au travers du bruit de la pluie qui tombe sur la mer.

Deux jeunes filles vierges endormies 

Tout à coup, le spectateur est plongé dans les souvenirs de ce vieille homme au travers d’apparitions de différentes figures féminines. La clinique devient très vite une maison de prostitution. Une jeune fille vierge endormie est offerte à Eguchi pour passer la nuit. Droguée, elle est plongée dans un sommeil profond. N’est-ce pas ici une sorte de mort ? Tandis que cette dernière disparaît, la nuit suivante, une seconde jeune fille vierge apparaît. Les corps de ces deux jeunes filles sont contemplées et deviennent des sources de désir. Un paradoxe se met en place entre la fraîcheur du jeune corps féminin et celui du vieille homme. En revanche, ce sont les jeunes filles qui sont plongées dans un sommeil et Eguchi qui est conscient. 

Un sommeil éternel, la mort 

Cependant, la mort n’est-elle pas un sommeil éternel ? Finalement, c’est une expérience de mort imminente à laquelle le spectateur assiste. Il n’y a pas de barrière entre le passé et le présent. Tout se confond. Sa vie défile devant lui. Il est à la fois dans le passé et dans le présent. Les aides soignantes interviennent pour lui délivrer des flacons. Est-ce de la drogue ou des médicaments ? Les visions oniriques s’enchaînent. Et sa vie défile. Son premier amour, sa mère, le regret de n’avoir eut aucun enfant à laisser sur terre.

Au final Eguchi est un homme seul. Un homme seul, qui se retrouve dans une clinique. Cette situation est sans rappeler la crise pandémique mondiale que nous vivons. Toutes ces personnes âgées isolées dans des maisons de retraites qui attendent leur dernier jour, leur dernier souffle. Pendant qu’un virus sévit et fait de plus en plus de victimes. Mais au final, l’Homme ne devrait rejoindre la lumière que lorsqu’il est prêt. Eguchi rend son dernier souffle lorsque c’est le bon moment. Et ainsi, sa vie prend fin en ayant retracé tous les moments qui l’ont marqué.  

La beauté de la mort 

La superbe mise en scène de Serge Nicolaï et l’incroyable performance de ces cinq interprètes (Yoshi Oïda, Yumi Fujimori, Carina Pousaz et Jennifer Skolovski) nous dressent un beau tableau de la mort. Ce n’est pas une terrible finalité. Elle est irrémédiable certes. Mais surtout, elle permet de mettre en avant la vie. Parce que sans mort, il n’y aurait pas de vie. 

Tout au long de la représentation le spectateur est ébloui par la beauté des costumes, des voix, des images. Par la culture toute entière. C’est un beau voyage bercé par de superbes costumes, masques, kimonos. Le spectateur en prend plein la vue et ses yeux ne peuvent se défaire de cette scène si sobre et en même temps si colorée. C’est un bel univers onirique et poétique qui est donné à voir. 

En raison de la crise sanitaire actuelle, cette belle création est reportée en octobre et novembre 2021 au Monfort-Thêatre

Visuel : ©Weina Venetz

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Lalouchi Naoual

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