Théâtre
Féminines, Pauline Bureau droit au but

Féminines, Pauline Bureau droit au but

02 June 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au Théâtre de la Ville, la metteuse en scène de Mon cœur propose une nouvelle fiction basée sur une histoire vraie, celle de l’équipe de football féminine de Reims. Et, ça joue bien !

On va voir un Pauline Bureau, comme on va voir un Pommerat, avec l’assurance que ce sera forcément réussi. C’est-à-dire que le décor sera pensé comme un outil et pas comme un décor ! Et aussi que la direction de jeu sera au cordeau. Cela tient en un mot : l’humain. Pauline Bureau s’intéresse à l’humain oui. Tous les humains. Les femmes dans Modèles, les familles dans Sirènes. Dans Dormir cent ans, elle offrait aux « pré-adolescents » la chance de se regarder sans honte dans le miroir.

Féminines se place dans cette fidélité au sujet mais aussi aux acteurs. Sur scène, on retrouve ses deux piliers, Nicolas Chupin et Marie Nicolle. Mais pour jouer au foot, il faut être un peu plus que deux.  Alors, au plateau se trouvent Yann Burlot, Rebecca Finet, Léa Fouillet, Camille Garcia, Louise Orry-Diquero, Anthony Rouillier et Catherine Vinatier. Et ils forment une sacrée bonne équipe !

“On est la pour ça, pour jouer !”

Le parallèle entre le foot et le spectacle n’est pas neuf et surtout il y a de fortes chances que montrer cela n’était pas du tout le projet de Pauline Bureau. Mais là où le contexte fait beaucoup, c’est qu’entendre les mots “jeux” et “jouer” non stop, ça résonne d’une façon un peu décalée qui là non plus n’était surement pas au programme. Et pourtant ! Le jeu apparaît très essentiel !

Dans le décor à étages et à portes coulissantes c’est toute la France de l’avant mai 68 qui évolue. En haut les filles triment à la chaîne à l’usine “Gravix”. En bas les garçons cherchent dans les vestiaires une idée originale pour la première partie du prochain tournoi de foot. Et derrière les portes se cachent des appartements et des chambres où le XXe siècle a tout du XIXe. Couture pour les unes et pieds sous la table pour les autres. Mais le monde d’après arrive à toute vitesse, à la vitesse d’un tir au but réussi.

Donc, vous l’aurez compris, l’idée originale, le truc auquel personne, mais alors personne n’avait pensé c’est bien sûr : “Des filles sur un terrain de foot”! Enfin personne? Disons que ça ne faisait pas l’actu. Pourtant, comme le rappelle la chronologie du football féminin qui est glissée dans la feuille de salle, c’est une longue histoire : 1917 : premier match de football féminin disputé en France, 1920-1933 : championnat de France de football féminin… Mais alors que c’est-il passé pour qu’en 68 cela apparaisse comme incongru ? En un mot : Vichy.  Le gouvernement a listé des sports interdits aux femmes, dont le foot. Et il faut attendre 1970 pour que la FFF reconnaisse les équipes féminines. 30 ans plus tard.

Si la pièce est documentaire sur le fond, les histoires de Jeanne, Josepha ou Rose sont totalement fictionnées. Rose (Louise Orry-Diquero) par exemple va comprendre qu’elle est libre grâce à l’équipe, Marinette (Camille Garcia) va elle oser regarder son père en face, Marie-Maud (Catherine Vinatier) allaitera à la mi-temps, Françoise (Rebecca Finet) apprendra à lire.  Toutes deviennes des individus libres grâce au collectif. Aux collectifs plutôt. Car à l’usine aussi il y a des matchs à gagner, pour obtenir un peu de dignité.

Alors comme au stade, on est à fond, et les belles passes sont mêmes applaudies. On rit, on pleure. Bref, on est dedans quoi ! On pardonne à Pauline Bureau les longueurs des changements de décor qu’elle planque sous des scènes de danse et de fêtes pleines de tubes mais parfois, un peu trop accessoires.

Pauline Bureau raconte, elle conte même, elle fait cela comme personne, avec un talent et une dextérité qui sont ses signatures. 

Jusqu’au 5 juin au Théâtre de la Ville ( Abbesses) 

Visuel : ©Pierre Grosbois

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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