Théâtre
Entretien avec Mohamed El Khatib sur “Mes Parents” : “porter une forme théâtrale par le documentaire”

Entretien avec Mohamed El Khatib sur “Mes Parents” : “porter une forme théâtrale par le documentaire”

16 November 2021 | PAR Clémence Duhazé

Mohamed El Khatib a échangé avec nous sur Mes Parents, sa pièce de théâtre composée avec les élèves de l’Ecole du TNB. Durant plusieurs mois, ceux-ci ont enquêté auprès de leur famille afin de nourrir cette création, traitant le regard qu’ils portent eux-mêmes sur leurs parents.

Vous avez déjà traité de la relation parent-enfant dans certaines de vos pièces précédentes (Finir en Beauté, C’est la vie, La Dispute), Mes Parents s’inscrit-elle aussi dans cette lignée ?

En fait ce sujet est arrivé par accident. Il a été le fruit d’une discussion et du hasard de conversations avec les élèves sur le thème de la famille. Mais j’aime bien qu’un sujet émerge de façon accidentelle, a posteriori. Effectivement, ce sujet pourrait presque rentrer dans le cadre d’une sorte de triptyque sur la famille, avec les enfants, puis les grands adolescents avec leurs parents et ma prochaine création sur la vieillesse, les grands-parents, les personnes de plus de 75 ans. Donc on pourrait lire les choses de cette manière. Et puis, le fait que ces sujets émergent ainsi, ce ne sont pas des hasards.
J’aime traiter de ces questions car ce sont des questions intimes, non politiques, presque périphériques, alors que je considère que c’est un vrai enjeu.

Comment l’idée de ce sujet s’est-elle développée avec les élèves ?

C’est parti d’un Zoom en fait. Pendant le confinement, on a travaillé pendant quatre mois à distance sans jamais se rencontrer. C’est étonnant car cela créait comme une proximité. Les élèves révélaient des choses qu’ils n’auraient sans doute pas divulgué autrement. Ces mois passés chez eux ont aussi permis aux élèves d’amorcer une enquête, ils sont partis en recherche auprès de leurs parents afin d’accumuler des matériaux pour la pièce.
Le théâtre est un endroit des corps et un endroit de la présence mais finalement cette formation à distance a préparé le terrain au préalable. Nous n’avons eu que trois semaines de répétition après ça.

On a ce sentiment que les élèves ont pris l’entière possession de la scène. Comment avez-vous trouvé cet équilibre entre leur place et la vôtre dans la création de la pièce ?

En fait je ne sais pas vraiment, dans le sens où ça s’est fait naturellement. Cependant, j’ai travaillé comme d’habitude. Mon point de départ consiste toujours en des rencontres et des témoignages. Les élèves avaient à cœur de tout partager. Mon rôle a été de les aider à s’emparer de la pièce et aussi de la méthode de travail pour cette pièce-là ; afin que certains aient le désir de continuer à porter une forme théâtrale par le documentaire.
Beaucoup, au début, résistaient et ne voulaient pas traiter de questions intimes et mêler leurs parents à la pièce. Finalement, ceux dont les parents ne participent pas, à la fin, le regrettent. Ils se disent que c’est un moment tellement fort, qu’ils regrettent d’avoir eu un peu peur. Je le comprends, aussi. Parce qu’au début on partait dans l’inconnu : moi-même je ne savais pas où on allait arriver ! Je ne savais pas si les parents allaient accepter de venir ou non. Il y avait beaucoup d’incertitudes. Aujourd’hui le projet part en tournée et c’est une très bonne nouvelle !

Malgré ce côté très intimiste de la pièce et des moments particulièrement touchants, il y a aussi énormément d’humour. Comment cela est-il venu ?

Encore une fois cela s’est fait naturellement. Dans les matériaux rapportés par les élèves, là où on aurait pu imaginer des moments de tension, de violence ou même un côté pathétique, il y avait toujours une forme d’humour, presque de tendresse. Cela créait quelque chose de cruel et drôle, qui est arrivé spontanément. Là où l’humour peut avoir un côté presque tyrannique et enfermant, il est en fait un moment de plaisir qui nourrit. L’humour permet de naviguer entre tout ça sans être dans le déni de la violence qui peut être générée dans le cercle familial.

Vous trouvez ça comment de travailler avec des acteurs en herbe, qui débutent ?

C’est très agréable. Ils ne sont pas encore trop formatés. Et puis il y a un enthousiasme, cette fraîcheur des débuts. Je me souviens de m’être dit : il ne faut surtout pas abîmer ça. Il faut laisser cette fraîcheur intacte. C’est un métier qui est très dur, qui peut être violent. Je trouve que quand on est dans une posture de pédagogue, il faut prendre soin de ça et créer des conditions de plaisir pour les élèves, pour leur donner envie de continuer à faire du théâtre. Être à cette place, ce n’est malgré tout pas ce que je préfère mais, en invitant les parents, j’ai réussi à trouver un compromis. Je continuais ma recherche documentaire tout en me confrontant à ces jeunes ayant déjà exercé pendant trois ans. Ça a créé une friction que j’ai trouvé intéressante.

 

Mes Parents de Mohamed El Khatib, à retrouver le 4 et 5 janvier à l’espace 1789 à Saint-Ouen. Durée : 1h15.

Visuel : © Yohanne Lamoulère

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