Théâtre
“Des caravelles et des batailles”, le bijou absurde d’Eléna Doratiotto et Benoît Piret

“Des caravelles et des batailles”, le bijou absurde d’Eléna Doratiotto et Benoît Piret

11 April 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Attention, bel ovni ! Au Théâtre de la Bastille jusqu’au 21 avril, Eléna Doratiotto et Benoît Piret nous entraînent quelque part, pour faire on ne sait quoi, et c’est vachement bien !

Ces deux membres du Raoul Collectif nous ont habitués à des spectacles dont l’écriture vient du plateau et où l’humour vient souvent sauver les personnages de situations en apparences inextricables. Cette recette semble être la même pour cette pièce librement inspirée de La Montagne magique de Thomas Mann. Ici, le merveilleux et l’imaginaire sont les deux personnages principaux de cette retraite spirituelle.

Nous rencontrons la vive Claudia (Eléna Doratiotto), le sérieux Monsieur Aubertino (Benoît Piret), la si belle madame Ster (Anne-Sophie Sterck) et bientôt l’impressionnant Gürkan (Gaëtan Lejeune), puis un autre (Salim Djaferi) bien plus tard qui a croisé un sultan Un jour, Andréas (Jules Puibaraud) débarque après un long et compliqué voyage en train. Il se demande : « Qu’est-ce qui se passe ici ? »

Il ne passe rien et tout. Le quotidien est fait de promenades (le lac est à deux petites heures à pied, dit Claudia), de la réparation de la charpente ou de soirées à contempler les étoiles bien emmitouflés. Cela ne rend pas nos aventuriers du bout du monde insensibles aux malheurs des temps. Dans le grand hall se trouve une immense reproduction du massacre des Incas par les Espagnols à Cajamarca, en 1532. La violence de cette image deviendra si insupportable qu’elle fera faire un geste inconsidéré à l’un des personnages.

Le ton est totalement absurde. Les phrases sont elliptiques. Et nous, nous regardons le vide qui se “remplit”. Il n’y a rien sur scène à part un poteau de bois et de temps en temps des chaises et une table pliantes. Et pourtant, le tableau, là, immense, et bien, on le voit, on le sent. Le public est un mur, un jardin, un ciel, que les comédien.es observent avec intensité.

L’univers est tchékhovien dans ce lieu qui pourrait être une cerisaie. La communauté n’est pas sourde. On entend parler d’une grève de la poste, d’obligations de travail qui obligent à partir. Mais tout le monde finit toujours par “rentrer”.

C’est un monde autant hippie qu’utopique où tout le monde a l’air tout le temps surpris, émerveillé par la beauté des détails qu’offre la vie.

On se laisse totalement porter par ce voyage aux allures de conte initiatique décalé. On rit beaucoup face à un comique de situation très classique. La visite guidée détaillée du hall où chaque détail de la peinture que nous ne voyons pas est décrite est une leçon de théâtre.

Nous devenons tous et toutes des Andréas. Au début, on se demande ce qu’on fait là, et à la fin, on se dit que c’est vraiment le plus bel endroit au monde.

Jusqu’au 21 avril, au Théâtre de la Bastille.

À 20h30, relâche les dimanches. Durée 1h45

Visuel : © Hélène Legrand

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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