Théâtre
“Change Me” : une pièce puissante mais paradoxale.

“Change Me” : une pièce puissante mais paradoxale.

22 November 2019 | PAR Jérémie Laurent-Kaysen

Du 16 novembre au 7 décembre, Le théâtre Paris-Villette accueille son premier spectacle depuis la rénovation de sa grande salle : Change Me.

Une ruine de salle de bain d’un côté, un salon en pagaille de l’autre, une voiture d’un autre âge au premier plan. La mise en scène de Change Me surprend par son originalité dès les premières minutes du spectacle. Le clic du vidéo projecteur résonne dans la salle fraîchement rénovée du théâtre Paris-Villette, pour faire apparaître le visage d’une jeune fille sur le carrelage froid du mur de la salle de bain. Le voix est grave, la lumière est blanche. Le ton est donné.

Une jeune création autour d’un sujet grave

Change Me est un spectacle proposé par la Compagnie Mauvais Sang, repérée par le théâtre Paris-Villette lors d’une représentation au Centquatre. Simon Bourgade et Camille Bernon, les deux jeunes metteurs en scène qui sortent du CNSAD, ont entraîné leur comédien avec cette pièces vers des thématiques difficiles mais pourtant très actuelles : L’acception de soi, la notion de genre mais aussi les violences et agressions sexuelles.
Axel, est un homme né dans un corps de femme. Il cache à ses amis, et à sa copine, sa nature biologique pour être considéré comme ce qu’il se sent être. Malheureusement, au cours de sa soirée d’anniversaire, célébrant ses 21 ans, la vérité éclate aux yeux de tous. S’inspirant d’un fait réel, l’assassinat de l’homme transgenre Brandon Teena en 1993, et d’un mythe, celui d’Iphis dans les Métamorphoses d’Ovide, la pièce mêle deux registres complètement différents et leur trouve un point de ralliement. Le texte reflète cet étrange mélange par des dialogues qui peuvent être à des moments très crus, comme sur la manière dont il faut faire l’amour à une femme ou sur les ardeurs d’un mâle adolescent, et à d’autres moments prendre des élans lyriques, sur le secret et le mensonge, avec l’apparition d’alexandrins. Si ce choix peut déstabiliser, l’assemblage fonctionne et donne un souffle particulier à la pièce, qui oscille entre la rudesse de la réalité et la beauté du mythe.
La force de ce spectacle repose aussi sur son décor, très bien réalisé, ainsi que sur l’exploitation de la vidéo et de certains artifices tel que l’éclairage qui provient parfois des phares de la voiture, la fumée qui emplie soudainement celle-ci ou les vidéos tantôt projeté sur un mur, tantôt visible l’écran de la télévision du salon. L’interrogatoire qui se déroule tout au long de la pièce, faisant écho à celui de Brandon Teena – dont on entend un extrait déconcertant – apporte également une émotion qui se marie bien à l’ensemble du tableau.

Un ensemble assez paradoxal

Beaucoup de bonnes idées composent Change Me, mais certaines d’entre elles mériteraient d’être canalisées. Trop d’effets et de procédés peuvent étouffer le sens premier du texte. Son format d’une heure et demie en est peut-être la cause, offrant un temps trop court pour vraiment faire aboutir tout ce que les deux metteurs en scène de la pièce souhaitaient exprimer.
Pauline Bolcatto, à la fois en mère aimante mais maladroite, dépassée, ou en sœur sortie d’une télé réalité, et Mathieu Metral, en meilleur pote un peu simplet, réussissent avec brio à incarner leur personnage qui nous font beaucoup rire. En revanche, Camille Bernon peine à entrer dans son personnage, Axel, dont le rôle est en effet le plus complexe à interpréter. Son jeu gagne en précision et en justesse au fil de la pièce mais peut perdre le spectateur en amont.

Change Me n’en demeure pas moins une pièce qui retourne l’estomac, mettant sous les projecteurs des questions, certes actuelles, mais dont on parle encore trop peu. La pièce nécessiterait encore un peu plus d’affinement, ce qui n’enlève en rien le talent de ces jeunes comédiens et metteurs en scène qui est incontestable.

Change Me de Camille Bernon et Simon Bourgade, du 16 novembre au 7 décembre, Théâtre Paris-Villette. 

Visuel : ©Benjamin Porée

Infos pratiques

Hobbies : en immersion dans la France des passionnés
« Les Folies Gruss », le nouveau spectacle familial et surprenant de la Compagnie Gruss !
Avatar photo
Jérémie Laurent-Kaysen
Après deux années de classe préparatoire en Lettres et une licence Humanités, lettres et sciences humaines, il réalise actuellement un Master de Journalisme Culturel à Paris X. Il est rédacteur pour Toute La Culture depuis novembre 2019.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration