Théâtre
“Arrête avec tes mensonges” : dire le désir et les adieux

“Arrête avec tes mensonges” : dire le désir et les adieux

23 January 2023 | PAR Rachel Rudloff

Pour cette adaptation du roman de Philippe Besson, Angélique Clairand et Eric Massé nous offrent une mise en scène en stratification, oscillant entre poésie et politique pour un spectacle rare et précieux, totalement hors du temps. 

Superposer les époques et les supports

Dans un habile jeu de mise en scène, l’espace de la petite salle Copi de La Tempête incarne plusieurs superpositions. Sur le plateau découpé par un rideau translucide, se dessine le passé de l’auteur, au centre de son autofiction, mais aussi ses aller-retours dans le temps et dans le monde. 

Mais, en plus d’être une subtile superposition du temps et de l’espace Arrête avec tes mensonges vient aussi mélanger les supports : de la littérature au chant et à la musique (assuré en live par l’impressionnante Anna Walkenhorst) en passant par la vidéo, la combinaison de tous ces arts s’harmonisent et se complètent aisément. Précisément, les projections vidéo incarnent tout ce que nous raconte la pièce sur la mobilité sociale et géographique : en restant immobile, les images projetées où les moments captés en direct nous permettent d’échapper aux limites de notre position statique. 

La superposition des époques, mais aussi des comédiens, de leurs voix et de leurs corps  se mettent ainsi entièrement au service du texte : le passé et le présent s’entremêlent, les générations aussi, les souvenirs comme les absences se heurtent, et ce(ux) qui n’auraient jamais dû se rencontrer finissent par s’aimer. 

L’intime est politique

Tout le génie de la pièce réside aussi dans son harmonie subtile entre histoire intime et propos politique. Les quatre comédiens, tous frappants de tendresse et de force incarnent des personnages dont les trajectoires sociales s’éloignent : entre déterminisme social et individualité, les textes et les émotions tapent toujours juste. 

Dans l’intimité de la petite salle, vient s’inscrire le récit d’une découverte de l’homosexualité douce et incarnée, pas jugée, tendre dont l’authenticité reste criante du début à la fin. De cette intimité, naît un long récit romanesque, et comme souvent, la réalité dépasse la fiction : tout semble démesuré, et pourtant tout est vrai : la douleur des adieux jamais dits, de l’amour toujours tues, les retrouvailles ratées, les départs sans retours, les amoures ratées, cachées, et toutes coïncidences nous font quitter la salle pour nous faire traverser les pays, les époques, les corps sans que jamais l’on remette en question la véracité et la justesse des émotions ressenties. 

A découvrir jusqu’au 5 février au théâtre de la Tempête ! 

Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30. 

Visuel : © Jean Louis Fernandez. 

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Rachel Rudloff

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