Performance
‘Out of the blue’ sonde l’avenir des fonds marins au Festival d’Automne

‘Out of the blue’ sonde l’avenir des fonds marins au Festival d’Automne

14 September 2022 | PAR Margot Wallemme

En coréalisation avec le Festival d’Automne à Paris, Silke Huysmans et Hannes Dereere signent le dernier volet de leur trilogie sur l’exploitation minière.

 

Après les projets Mining stories (création de 2016) et Pleasant island, présenté au Festival d’Automne de 2019, Out of the blue s’impose comme un véritable “documentaire performé”. Titillant l’esprit critique, les deux artistes laissent la place à la subjectivité du spectateur. Out of the blue met en lumière les paradoxes et contradictions d’un sujet de plus en plus discuté et introduit une nouvelle forme de documentaire par une performance esthétique et scientifique. 

Trois bateaux dans le Pacifique : l’industrie, la science et le militantisme

Tout part du rassemblement de trois bateaux sur la fracture de Clarion-Clipperton dans l’océan Pacifique. Le premier appartient à l’industrie minière et teste un prototype de robot extracteur. Le deuxième accueille un groupe de scientifiques indépendants qui étudient les fonds marins et l’impact que pourrait produire le robot sur l’écosystème local. Le dernier bateau s’appelle le Rainbow Warrior et appartient à Greenpeace. Tous les trois ont été contactés et ont participé à l’enquête de Silke et Hannes. 

Les artistes se sont connectés par satellite aux bateaux et ont communiqué avec les équipes. De ces collectes de témoignages et d’informations et par l’usage de différentes combinaisons sonores et visuelles est né le spectacle Out of the blue. 

Les artistes tentent de ne pas prendre position, de laisser s’exprimer les trois visions de l’avenir des fonds marins. Il en ressort des paradoxes percutants et pertinents qui entrainent la réflexion du spectateur. Jusqu’où peut-on creuser, détruire un écosystème, quels sont les liens entre industrie et science, comment en parler sans en déprimer ? 

 

Des minerais salvateurs ? Une question écologico-économique

Ce que recherche l’industrie minière sont les nodules polymétalliques, car ceux-ci contiennent des minerais indispensables à notre technologie (dont les smartphones et les batteries électriques). Et après avoir épuisé la terre, on reprend les recherches initiées dans les années 70 et on creuse dans l’océan. Car devant l’augmentation des prix des minerais, leur exploitation est devenue un enjeu économique de premier plan. L’exploitation minière serait aussi le moyen d’accélérer la “transition verte” proclamée par de nombreux dirigeants dans le monde. Mais à quel prix ?

L’écosystème de ces fonds marins, que l’on connait à peine, est menacé et pourrait être détruit. Cela nous semble plus lointain car au fond des océans, mais est-ce moins impactant que la déforestation de l’Amazonie ? Comment sensibiliser, comment présenter les faits ? Le militantisme, que représente Greenpeace, opte pour des campagnes sensibilisatrices et interpelle le public en anthropomorphisant la vie abyssale dans des films animés touchants. Quel est l’avenir de l’exploitation minière ? Faut-il compromettre la vie des fonds marins pour construire des voitures électriques ? Ce sont ces questions d’humanité que soulèvent habilement les deux artistes à travers les différents témoignages et leur mise en scène.  

 

Une mise en scène percutante 

Les artistes nous présentent l’aboutissement de leurs recherches assis sur leur tabouret, dos au public, les mains sur leur clavier et leur souris. Ils laissent la parole aux équipes des bateaux et se placent en observateurs avertis. Les grands écrans qui couvrent le fond de la scène retransmettent des vidéos ou font défiler des transcriptions de récits rappellent l’intérieur des bateaux en mission dans le Pacifique. Ce décor fait aussi, ironiquement ou non, écho au besoin de ces fameux minerais qui composent la technologie au centre de la scène.

Les voix qui sont diffusées apportent de l’intimité, nous rapprochent des scientifiques, des militants et de l’industrie minière. Les artistes laissent entendre les trois visions, et amènent le spectateur à entrainer son esprit critique et se faire son propre avis. Aux récits s’associent des références artistiques à des poèmes, des tableaux ou des musiques. Cette accumulation est cohérente et, au-delà du sens artistique et esthétique de la présentation, elle amène à une réflexion supplémentaire. Mettre en scène les faits de la sorte pourrait faire croire à une prise de position mais les artistes réussissent tout de même à garder une fragile neutralité tout au long de leur “documentaire performé”. 

Cette superbe performance est à voir jusqu’au 15 septembre au Théâtre de la Ville. 

 

Visuels : ©Loes Geuens 

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