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L’archipel-cathédrale d’Olga Neuwirth au Festival d’Automne

L’archipel-cathédrale d’Olga Neuwirth au Festival d’Automne

14 December 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le Festival d’Automne est également un festival de musique. Il consacre à la compositrice Olga Neuwirth un portrait. Hier, à la Philharmonie, nous avons pu plonger dans Le Encantadas (2015), une nage entre ville et mer à la théâtralité sonore assumée.

Dans un procédé de spatialisation du son cher à la musique contemporaine, l’Ensemble intercontemporain dirigé par Matthias Pintscher est installé en quadri-frontal. Les quatre zones de musique entourent le public. Au centre, au chœur de l’orchestre, Olga Neuwirth est accompagnée aux consoles de Gilbert Nouno, Serge Lemouton et Sylvain Cadars.

Cette composition de 70 minutes, qui se réfère à une œuvre de Herman Melville traitant en 1854 de l’archipel des Galapagos, un ensemble d’îles jadis baptisé Las Encantadas par les Espagnols, a été créée le 18 octobre 2015 au Donaueschinger Musiktage. La compositrice s’est inspirée de ces textes pour les faire résonner avec un souvenir, une visite de la célèbre église San Lorenzo. Elle témoigne dans le programme de salle en parlant de ce lieu comme d’ « un espace intérieur, mais perméable aux sons qui proviennent de l’extérieur. Comme les murs sont poreux et que certaines parties des fenêtres sont cassées, on perçoit toujours de quelque manière le dehors.” Et c’est exactement cela qui est reproduit dans l’espace de la Cité de la Musique. Nous percevons des cloches, des vagues et des  discussions qui vont et viennent.

Sur scène se trouvent quatre musiciens : saxophone soprano (aussi alto et baryton), basson (aussi contrebasson), guitare électrique et trompette, ainsi que le chef d’orchestre. En face et de part et d’autre du public se trouvent tout le reste de l’orchestre. C’est-à-dire : deux flûtes (aussi piccolo),un hautbois, une clarinette (aussi clarinette basse), une clarinette (aussi clarinette en mi bémol et clarinette contrebasse), un saxophone soprano (aussi alto et baryton), deux cors, une trompette, deux trombones, trois percussions, trois synthétiseurs, quatre violons, deux altos, deux violoncelles et une contrebasse.

Ce voyage entre terre et mer nous fait voyager en cinq îles entrecoupées d’interludes électroniques et entourées d’un prologue et d’un épilogue. Dans cette quête ambisonique, la musique est faite d’interactions dissonantes, de sons jetés comme des balles bondissantes sur un mur. Le son est tordu, rétréci parfois avant de retrouver de l’ampleur, presque de l’écho. La compositrice malaxe les tessitures, elle ne choisit pas entre différents espaces, ni entre différents temps.

Olga Neuwirth parle de cette partition comme étant une “architecture liquide”. Elle maîtrise nos sensations, confortables et douces, résolument enveloppantes. La propreté du son est époustouflante, la technique à couper le souffle. Plusieurs fois la beauté se fraye un chemin sur ce parcours qui ne laisse pas de place au mélodique. Quand les deux trompettes jouent à l’unisson, l’une sur scène, en bas, et l’autre au-dessus du public, en face, tout en haut. Ou, quand les trois orgues de percussions frappent fort, chacune dans sa partition mais totalement à l’unisson.

Les musicien.n.e.s ont la particularité de devoir jouer chacun pour soi dans un geste collectif généreux. Olga Neuwirth assume complètement l’aspect figuratif de son travail. Elle dit, dans la longue et précieuse interview donnée à Stefan Drees en 2015 lors de la création de cette œuvre : “c’est un roman d’aventures qui traverse de multiples espaces sonores”.

Cette déambulation auditive nous surprend, nous amuse et nous traverse. Le travail sur les voix humaines et artificielles ajoutent une dose d’humour et de décalage très étrange à la musique. La compositrice réussit complètement, en s’armant de nombreux outils de musique électro-acoustique, à nous embarquer dans son trajet entre une église vénitienne délabrée et les souvenirs d’un voyageur du XIXe siècle.

Visuel : © EIC

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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