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“KAIROS”, de Nicolas Kerszenbaum, ou l’autopsie d’un point de non retour en quatre épisodes

“KAIROS”, de Nicolas Kerszenbaum, ou l’autopsie d’un point de non retour en quatre épisodes

19 February 2021 | PAR Manon Bonnenfant

Nicolas Kerszenbaum et la compagnie franchement, tu présentent une série théâtrale en quatre épisodes, quatre histoires – et voyages – croisés entre la France, la Thaïlande, le Congo et Cuba. La lecture de “KAIROS”  a eu lieu en avant-première, aux Tréteaux de France-CDN

Fort d’une collaboration de maintenant quatre ans avec les Tréteaux de France, l’auteur et metteur en scène Nicolas Kerszenbaum nous a présenté – en toute intimité – sa série théâtrale “KAÏROS”. Kaïros, c’est quatre épisodes, chacun d’eux étant découpé selon les différentes étapes d’un “point de non retour” : d’abord la gloire, puis la chute, le fracas et enfin, la perspective d’une rédemption.

Quelques secondes avant que la lecture ne débute, Nicolas Kerszenbaum lâche une phrase courte (mais efficace) : “C’est comme une série Netflix”. Comme une série tout court, et bien plus encore car absolument TOUT est énoncé par les comédiens/personnages : des plans utilisés aux mouvements de la caméra fictive, du moindre interlude en passant bien évidemment par les classiques descriptions et dialogues… Rien n’est passé sous silence, avec également un accompagnement musical de qualité : notes de guitare, mélodies de disco ou thaï, voix paisible, Guillaume Léglise et Sarah Métais-Chastanier ravissent nos oreilles. Côté textes, ils sont emplis d’humour bien fin comme on l’aime. Le tout début du premier épisode se fait en musique, une instru lente, mystérieuse, poisseuse, donnant la sensation que l’entière histoire pulse. En attente d’exploser. Mais pas tout de suite.

La première voix s’élève : claire, rythmée, le genre de voix qui donne envie de l’écouter sans (presque) s’arrêter. Une première voix narratrice qui introduit le premier personnage, soit une femme – Luce – qui s’affaire dans un aéroport quelque part en France. On découvrira plus tard que sous sa carapace en béton armé réside une amoureuse de la liberté. Mais une liberté qui ne s’obtient pas sans rien. Puis, deux autres personnages principaux – Jérôme et Camille – entrent dans la danse, un couple d’hommes. L’un est un expert des “libertés publiques” tandis que l’autre se retrouve propulsé – sans trop rien comprendre – dans la notoriété, et use (et abuse) de l’autodérision. Petite touche simple en apparence mais qui créée d’emblée une connexion avec l’auditeur. Un autre personnage principal complète le quatuor : Rose, une comédienne (et masseuse à ses heures perdues), frappée de plein fouet par la précarité du monde du spectacle vivant et par une absence de talent (véridique ?).

Les deuxième, troisième puis quatrième et dernier épisodes s’enchaînent… tout en étant coupés par des “phases expérimentales”, où musique et concerto de voix se côtoient dans une cacophonie étrangement harmonieuse. On arrête ici le spoil pour se pencher plus en détail sur cet étrange titre : “Kairos”. D’un côté terre-à-terre, c’est une multinationale de luxe et numérique dans laquelle travaille activement Luce, entre la France, le Congo, la Thaïlande et Cuba. Qui dit multinationale dit (très) grand projet à échelle mondiale, et celui de Kairos est d’investir la “pensée mondiale” afin d’en protéger la “diversité”, plus encore, la LIBERTE. Métaphoriquement, “Kairos” représente LE choix, celui qu’on fait à un moment précis de notre vie où tout semble perdu. Suivre ses désirs les plus profonds, intimes, ancrés en nous, dans l’espoir de redonner de la couleur à une vie en noir et blanc, un but précis à se fixer et atteindre. “Kairos” se révèle être un point de non retour. Déterminant. Salutaire. Quoiqu’un poil effrayant. Et l’on peut le comprendre. 

Mais ce qui fait le charme et la force de “KAIROS”, c’est cette alliance créative entre témoignages réels (recueillis dans un journal entre 2014 et 2017) et fiction imaginaire. Des témoignages provenant de divers coins du monde mais toujours reliés par cette même problématique : “Comment vivent les artistes ?”, entre précarité, angoisses, succès fulgurant mais éphémère, modèle économique dont fonctionnent ces pays… En somme, tous les paramètres qui rythment la vie d’un artiste se retrouvent retranscris dans une fiction théâtrale justement écrite, mise en scène et interprétée.

Une production de la compagnie franchement, tu, avec Les Tréteaux de France – CDN et la MCA – Maison de la Culture d’Amiens La Chartreuse – CNES.

Prévue pour l’automne 2022 (d’ici là, ça devrait être bon !).

Visuel : ©elektronlibre

 

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Manon Bonnenfant

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