Opéra
La perfection Grigorian dans les mélodies russes à Aix-en-Provence

La perfection Grigorian dans les mélodies russes à Aix-en-Provence

11 July 2023 | PAR Paul Fourier

La soprano, très bien accompagné par Lukas Geniusas, a offert au conservatoire Darius Milhaud un récital d’une probité remarquable.

Parmi les actuelles chanteuses, on peut dire qu’Asmik Grigorian fait preuve d’une grande singularité. Forte d’un volontarisme affirmé, elle ne se laisse pas catégoriser allant, parfois, là où l’on ne l’attend pas. Elle s’autorise à fréquenter aussi bien Salomé que Cio-Cio San, Rusalka que Lisa. Sa prochaine prise de rôle de la Lady Macbeth de Verdi à Salzbourg, fin juillet, est un choix qui soulève autant d’intérêt que d’interrogations. Mais qu’importe ? Oser, ne pas se laisser enfermer dans des choix que d’autres auraient faits pour vous semble, dans son cas, être la marque des grandes.
À son arrivée sur scène, ce que l’on remarque de prime abord, c’est ce port altier et ce goût, aussi sexy que chic, pour se vêtir en conformité avec une personnalité que l’on sent plutôt rebelle. Ce soir, elle évolue dans un robe lamée et étincelante, un robe assez éloignée de la norme pour ce type de prestation. La deuxième grosse impression, pour le public, est lorsque cette voix chaude, riche en harmoniques, aux graves veloutés et aux aigus puissants, se déploie dans la salle du conservatoire.

Pour sa première venue au festival d’Aix-en-Provence, Asmik Grigorian est allé, avec Tchaikovsky et Rachmaninov, puiser dans ses fondamentaux, s’inscrivant ainsi dans la suite de son magnifique album Dissonance. Incontestablement, par sa proximité naturelle avec la langue russe, par la sensibilité qu’elle y met, par la perfection de la prononciation, ces deux compositeurs ne peuvent que lui coller à la peau.

L’une des indéniables forces de Grigorian est, ici, de savoir allier l’intimité des pièces et leur indéniable force opératique. Dans l’art de la mélodie, elle peut plier sa voix même si l’on sent toujours qu’elle en a « sous le pied ». Elle se met toujours au service de ses petits récits tantôt légers, tantôt tristes, tantôt amoureux.
Dans un récital où l’on peine à faire des choix, il faut, tout de même, citer les envolées lyriques de « De nouveau seul, comme avant » de Tchaikovsky ou ces petit bijoux de Rachmaninov que sont « Ne chante pas, beauté, en ma présence » dans lequel la voix sait déployer sa toute puissance pour ensuite nous caresser avec de superbes aigus piani, ou le délicat « Ici, il fait bon ». Tout au long du récital, tantôt la voix souple joue avec l’intimité des morceaux, tantôt l’artiste déploie toute sa puissance, tout cela de la manière la plus naturelle qui soit, sans rupture.

Il faut dire qu’elle était formidablement accompagnée par, Lukas Geniusas, un pianiste qui a su se mettre, de manière exemplaire, en phase avec la soprano, mais montra aussi, lors de 4 échappées solitaires, la souplesse de son toucher qui se faisait tantôt délicat, tantôt triomphal.

Cette soirée a confirmé qu’il y a une évidence dans l’alliage composé de Grigorian et de Tchaikovsky et Rachmaninov. La merveilleuse soirée qu’elle nous a offert en appelle d’autres et il nous reste à espérer qu’elle sera, ici même, lors d’une prochaine édition, l’héroïne d’un opéra choisi dans la riche palette d’interprétations qui est la sienne.

Visuels : © Vincent Beaume

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