Opéra
Weill et Brecht malmenés par la Comédie Française à Aix

Weill et Brecht malmenés par la Comédie Française à Aix

16 July 2023 | PAR Paul Fourier

Les comédiens du Français sont, toujours, très professionnels. Cela étant, ces dernières années, ils n’ont pas toujours été très inspirés en s’aventurant dans des univers où une certaine artificialité apparaît au grand jour. Lorsque l’on décide de traduire (pauvrement) une œuvre phare et que la mise en scène est paresseuse, il ne reste pas grand-chose qui puisse satisfaire.

L’opéra de quat’sous est une œuvre que l’on peut, sans peine, qualifier de « scénique ». Les personnages, qu’ils soient de petites ou de grandes crapules des bas-fonds londoniens, méritent, malgré tout, un traitement digne de leur rang : celui de créatures brillamment issues des plumes acérées et politiques de Bertolt Brecht et de Kurt Weill. 

Mais, ce que propose le metteur en scène, Thomas Ostermeier, apparaît vite, paresseux. Le paradoxe est que le metteur en scène qui a, depuis quelques années, décidé de donner à ses productions, une démarche sociale et de gauche affirmée, semble ici, se retrouver « à sec » face à une pièce qui s’intéresse, pourtant, à des damnés de la terre.
Le décor – une passerelle desservie par des escaliers… et quatre micros – n’est guère inspirant et, souvent, les artistes se retrouvent plantés, tels des piquets, face au public. Quelques vidéos assez décoratives, en toile de fond, n’apportent pas grand chose tant le message est illisible…??

Originellement, L’opéra de quat’sous est une pièce en allemand, de cet allemand de l’alliage Brecht – Weill, si reconnaissable et truculent. Le langage est d’autant moins neutre qu’il est le reflet (nous sommes en 1928) de l’époque décapante et passionnante de la République de Weimar.
L’on comprend que le fait que la Comédie Française décide de se saisir de cette œuvre implique une traduction mais… est-ce là déjà une bonne idée tant le langage est partie intégrante de « 4 sous ».
S’il faut ajouter à cela le fait que la nouvelle traduction d’Alexandre Pateau s’avère pauvre et qu’elle est souvent, seulement triviale, l’on frôle alors la sortie de route.

Enfin, alors qu’à l’opéra, l’on s’autorise parfois des coupures (et que l’on n’hésite parfois pas à s’en plaindre), le maintien de certaines scènes originales les font apparaître ici dans toute leur imperfection. C’est, de fait, le cas de celle du mariage « tarte à la crème » qui nous est infligée… bien trop longue, sans dynamique et à l’humour très lourd.

Il reste, heureusement, les comédiens du Français et une direction musicale parfaite.

Les acteurs de la Comédie française, par essence, ne sont pas, des chanteurs et on le leur pardonne aisément (il faut juste, le temps d’une représentation oublier totalement la production du Berliner Ensemble mise en scène par Bob Wilson ! ). Mieux aidés par le metteur en scène, ils auraient, néanmoins, pu présenter un spectacle plus réjouissant. 

Forts de leur métier et talent, c’est le couple Peachum qui porte le mieux l’esprit Weill-Brecht. Christian Hecq « en fait des tonnes » et c’est très bien venu ; Véronique Vella, elle, impressionne réellement tant par sa voix que par la maîtrise de ses airs.

Le reste de la distribution féminine est, vocalement, de très bon niveau même si Marie Oppert, superbe Polly, est, parfois, un peu trop démonstrative dans son jeu.
En Lucy, Claïna Clavaron est un belle révélation et, comme de coutume, Elsa Lepoivre impose son exemplaire présence scénique.

Cela, malheureusement, se gâte du côté masculin car Birane Ba manque singulièrement de charisme dans le rôle de Macheath et Benjamin Lavernhe est plus sympathique que le policier véreux qu’il est censé incarner.
Quant aux hommes de main de « Mac », ils sont bien trop occupés à jouer les bouffons qu’à mettre de la cohérence dans cette peinture du milieu perverti de Soho.

Il reste – meilleur morceau de la production – l’excellent orchestre Le Balcon dirigé par Maxime Pascal et le Chœur amateur Passerelles (direction : Philippe Franceschi). Avec eux, avec cette gouaille et ses sonorités outrancières de cuivres, on retrouve un peu de « l’esprit de Weimar » mais, in fine, le résultat est plutôt maigre et le bilan bien pauvre.

Visuel : © Jean-Louis Fernandez

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Paul Fourier

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