Opéra
Les pédales en Révolution(s) au Festival d’Aix-en-Provence

Les pédales en Révolution(s) au Festival d’Aix-en-Provence

10 July 2023 | PAR Paul Fourier

Le Festival présente une fantaisie baroque, queer et militante. L’expérience est sympathique pour peu que l’on accepte de voir le monde en noir et rose.

The Faggots and their friends Between Revolutions de Larry Mitchell est un ouvrage paru en 1977 et culte dans le milieu LGBTQI+. Il décrit l’évolution du monde selon les « fags », ces fameuses pédales qui ont décidé de se revendiquer comme telles alors, bien sûr, que le terme a toujours renvoyé à l’insulte et à la violence qui les touchent et qu’il devient là « geste de réappropriation du stigmate ». Le compositeur Philip Venables et le metteur en scène Ted Huffman ont décidé de tirer des « Faggots » un « opéra » conçu d’abord pour le festival de Manchester, repris aujourd’hui à celui d’Aix-en-Provence.

Dans le programme de salle, Éric Bordas définit l’œuvre comme une « proposition politique, mi-fable, mi-manifeste avec une finalité absolument communautariste ». Les spectateurs sont entraînés dans une folle épopée, dans un monde en noir et blanc fait de Révolutions successives où les pédés et leurs amis racontent la façon dont ils ont été exclus de la société patriarcale, les manières et ruses qu’ils ont employées pour survivre d’abord puis pour vivre décemment (et baiser) ensuite et, enfin, pour résister aux ruses du camp d’en-face et tenter leur propre révolution. Dès lors, pour participer pleinement au voyage, il faut accepter d’entrer dans un monde somme toute binaire qui oppose mâles blancs et hétéros au reste de la société, oppresseurs contre opprimés de toutes sortes (gays, femmes, migrants, non-blancs), puissants du monde capitaliste et exploités.

La forme, elle, est foutraque et convenue à la fois, et, pour le coup, si peu révolutionnaire qu’on ne parvient à dire si elle est en opposition ou en phase avec l’affirmation identitaire revendiquée et proclamée. Cela ressemble à ces spectacles faits de bric et de broc où l’on s’amusait follement dans les caves des cabarets dans le milieu gay des années 80. La musique emprunte tous les chemins possibles, du baroque à la folk music, sans que le résultat soit véritablement convaincant.

Ce qui l’est, en revanche, c’est l’extraordinaire engagement des interprètes qui jouent, dansent, chantent avec leurs moyens, petits ou grands. La force est incontestablement dans ces représentants d’une multitude de genres qui parviennent à vous emmener par la main et, lorsque la merveilleuse Kit Green décide de faire chanter une chanson à une salle plus ou moins contre son gré, on se dit que la communion a eu lieu alors que la demande d’amour est finalement ce qui est, là, le plus revendiqué.

Visuels : © Tristram Kenton

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Paul Fourier

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