Falstaff à l’Opéra de Marseille : ramage et plumage de haute volée!
Dimanche se tenait la Dernière du Falstaff de Verdi donné à l’Opéra de Marseille depuis le 4 juin. Dernier des opéras du compositeur, il est souvent qualifié comme l’un de ses plus grands chefs d’oeuvres, si ce n’est le plus grand ou bien, ainsi que le qualifie le programme de la salle, comme “l’ultime éclat de rire de Verdi”. Mais le metteur en scène Jean-Louis Grinda est-il parvenu à s’emparer de cet éclat sans le ternir ?
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La reprise de la mise en scène donnée à Monte-Carlo en 2010 offre ici une belle interprétation de l’oeuvre de Verdi en optant pour le prisme original de la fable. De même que La Fontaine au XVIIe siècle, les animaux se substituent ici aux hommes. Falstaff devient ainsi un coq gras dont les mésaventures sont des leçons à tirer.
Si l’on craint alors une vision trop simpliste de cet opéra, que l’on se rassure tout de suite : elle brille de justesse jusque dans le détail de l’attribution des animaux aux personnages (les chats pour la perfidie, le coq pour la vanité masculine, les volailles pour les femmes qui jacassent,…) Les costumes colorés de Jorge Jara Guarda se fondent habilement dans les décors de Rudy Sabounghi qui, loin de se borner à une simple basse-cour, fait quelques clins d’œil littéraires, à commencer par l’oeuvre dont est inspiré le livret, Les Joyeuses Commères de Windsor, mais comment ne pas noter Sleepy Hollow lors du passage de la légende de l’arbre et de son cavalier?
La direction musicale de Lawrence Foster poursuit dans la justesse de la mise en scène et l’orchestre offre une superbe prestation. Les voix s’alignent à tout cela, même si celle de Patrizia Ciofi manque parfois d’ampleur dans le rôle d’Alice. Annunziata Vestri donne une très belle profondeur au personnage de Miss Page, tant dans le jeu que vocalement. La Mrs Quickly alcoolique et très amusante de Nadine Weissmann reste tout en élégance par le chant sans que cela ne bascule un instant dans le grotesque. Dernière volaille enfin, la Nannetta de Sabine Devieilhe tout en légèreté et en finesse dans la technicité qu’on lui connait. Si elle nous avait confié en janvier qu’elle était “ravie de ces débuts avec Verdi” (voir l’interview), ne doutons pas que le public l’est tout autant!
Faces à nos “cocottes” et dindes, les hommes ne sont pas en reste : Nicola Alaimon campe un Falstaff qui frôle l’irréprochable tandis que les deux compères Rodolphe Briand et Patrick Bolleire incarnent un duo parfaitement accordé et se trouvent tout à fait à l’aise dans leurs costumes de chats dont les queues et les parapluies sont fort bien employés. Enea Scala donne à son Fenton une belle dimension colorée, tant dans le costume que dans la voix. Enfin, le Ford de Jean-François Lapointe et le Docteur Caïus de Carl Ghazarossian parviennent à ne pas détonner dans cette belle basse-cour pour laquelle nous n’hésiterions pas à devenir fermier!
Difficile donc de trouver à redire dans cette vision scénique très amusante et magnifiquement servie par la direction musicale et par les voix. Le seul bémol n’est donc pas sur scène ou dans la fosse (que le chef a pris le temps de saluer à sa juste valeur après l’entracte) mais plutôt dans la salle où la chaleur alourdissait l’atmosphère au point que beaucoup ne pouvait s’empêcher de se demander comment les artistes faisaient pour tenir avec leurs costumes.
On repart heureux de cette représentation à la morale tragiquement drôle ou drôlement tragique chantée avec le sourire et surtout avec talent : “tout dans le monde n’est que farce” et rira bien qui rira le dernier…