Opéra
Angela Gheorghiu : “Dans ses choix de carrière, c’est à l’artiste d’être conscient s’il doit dire oui ou non” !

Angela Gheorghiu : “Dans ses choix de carrière, c’est à l’artiste d’être conscient s’il doit dire oui ou non” !

29 September 2020 | PAR Paul Fourier

Angela Gheorghiu chante, en cette rentrée, une série de Bohème à Liège. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle parle évidemment de la période terrible que nous traversons et, avec le franc-parler qu’on lui connaît, revient sur sa très longue et riche carrière.

Bonjour Angela. Tout d’abord merci de m’accorder cette interview.
La Bohème à laquelle vous participez ici à Liège, est tout à fait particulière, à deux titres, d’une part c’est le premier spectacle de la saison du bicentenaire de l’Opéra Royal de Wallonie ; d’autre part c’est le spectacle de redémarrage de cette maison après le confinement. Quelle signification a cette Bohème pour vous ?

Dans toute ma carrière, La Bohème est une œuvre qui a toujours été présente dans mes saisons, à côté des autres spectacles que je faisais ; je l’ai chantée dans les plus grands théâtres du monde, dans des productions très importantes, et avec tous les grands ténors et barytons dont c’étaient les rôles.
La première fois, ce fut alors que je venais de terminer l’Académie de musique et que j’ai pu interpréter l’opéra en entier dans mon pays, en Roumanie.
À propos de la période actuelle, la programmation de La Bohème est évidemment une coïncidence, car vous savez que l’on décide de nos programmes trois ou quatre ans auparavant. Ce début de saison, en plus de faire cette production à Liège, je devais également me produire à Covent Garden et au Metropolitan Opera, ainsi qu’à Dresde. Finalement, si je puis dire, avec ce qui se passe, ce sont les plus petits théâtres qui sont aujourd’hui, en quelque sorte, les plus grands. Une maison est grande par les artistes qu’elle reçoit, les grands noms, les grandes personnalités qui la font vivre.
Cette période est d’une tristesse totale pour toute la planète. D’une manière générale, j’aime beaucoup l’atmosphère des théâtres. Depuis trois semaines, je suis ici à Liège. Lorsque j’ouvre la porte des coulisses, la première personne que je vois, c’est le portier qui prend ma température et c’est mon premier ami ce jour-là. Maintenant, je connais tout le monde dans le théâtre ! Nous sommes tellement heureux d’être ensemble, d’être là et d’avoir la possibilité de vivre notre vie d’artiste dans un monde où il y a tant de problèmes. Évidemment, on agit au jour le jour et on fait des prières pour que personne n’attrape cette maladie (rires).

Les personnes qui travaillent dans le spectacle vivant aujourd’hui semblent, en effet, terriblement heureux de pouvoir faire leur métier !

Chaque être humain que je rencontre en ce moment est heureux d’être là ! C’est une atmosphère tout à fait particulière.
Comme je le disais, j’ai toujours considéré que, dans un théâtre, il est important que tout le monde, et cela commence avec le portier, soit souriant et sympathique. Lorsque tu es une artiste et que tu as toute la pression sur toi, c’est vraiment important ! À ce propos, je vais vous citer une anecdote. Un jour, je suis arrivée par surprise au Royal Opera House de Londres et les portiers de l’entrée des artistes, qui étaient contents de me voir, ont décidé (ils étaient quatre ou cinq) de m’offrir un cadeau. Une autre fois, encore à Londres, j’ai dit aux garçons qui travaillaient avec les décors, dans les coulisses, que le pantalon qu’ils portaient, et qui était griffé avec le nom de l’opéra, me plaisait. Le lendemain, ils m’en ont acheté un ! J’adore avoir des bonnes relations avec les gens des théâtres. Car le spectacle et les applaudissements qui suivent sont les fruits du travail de toutes les personnes qui y travaillent. Dans un théâtre, chaque personne compte !

Angela, comment avez-vous vécu la période de confinement ? Et, d’ailleurs, où étiez-vous ?

J’étais en Suisse. Et je suis également allée en Roumanie, car j’ai fait un récital à Bucarest (visible sur YouTube). C’était très bien filmé ; j’ai fait ça dans un très bel espace et en ai été très heureuse. Je n’aime pas du tout le principe de chanter dans sa cuisine, car je trouve que ça casse notre travail. Je comprends que certains collègues qui n’ont peut-être pas les moyens le fassent. Mais c’est préférable si l’on peut trouver un lieu, une salle qui va mieux avec notre métier que l’intérieur de notre appartement. Pour les grands artistes, il est important de rester sobre, tout en gardant la part de mystère avec la classe qui va avec. C’est mon avis !

Pour les représentations de La Bohème à Liège, il y a la distanciation et les masques dans la salle pour les spectateurs. Dans la fosse, la formation orchestrale est réduite, ce qui permet de respecter également la distanciation. Le chœur officie en coulisses. Mais en ce qui concerne les solistes, vous êtes en scène, sans masque ni distanciation. Comment avez-vous travaillé, pendant les répétitions et pendant les représentations, afin de ne pas courir de risques et de respecter les consignes sanitaires ?

Notre solution était la suivante : pendant toutes les répétitions, nous avons toujours mis des masques, nous les solistes, dans les coulisses et même sur scène. Pendant le spectacle, il n’y a que lorsque nous sommes en scène que nous ne portons pas de masques. Et chaque semaine, tous les gens qui travaillent dans le théâtre sont testés. Par ailleurs, évidemment, partout dans le théâtre, même dans ma loge, il y a toujours du gel à disposition.

Ce test, c’est un test salivaire ou un test PCR ?

Moi, je fais les deux.

Le test dans le nez, c’est très désagréable…

Oui je sais. Mais n’oubliez pas que je viens d’un pays où l’on connaissait des souffrances de toutes sortes. J’ai également fait beaucoup d’amygdalites. Ce test est tout à fait supportable ! Et si c’est vrai que c’est désagréable, ça dépend aussi de la personne qui te le fait. C’est comme pour une injection, ça dépend des mains qui agissent. (Rires)

« Cette épidémie est pire qu’une guerre pour les artistes ! »

Pendant toute la période que nous avons traversée, il y a des artistes qui n’ont pas pu travailler et qui, pour certains, n’ont pas été payés depuis des mois.

C’est absolument terrible ! C’est pire qu’une guerre parce que, pendant la guerre, les théâtres sont souvent restés ouverts. Par ailleurs, j’ai constaté la chose suivante : pour les plus grands artistes, pour les « guests », ceux qui ont un contrat pour la soirée, il n’y a souvent rien de prévu. Dans certains théâtres, ils ont reçu une petite partie (20 %) de leur rémunération.
Pour les théâtres d’État, il y a parfois peu d’argent, mais pour les théâtres qui reposent sur les donations, comme le Royal Opera House ou le Metropolitan Opera, c’est le désastre total pour tout le monde, pour les employés du théâtre comme pour les « guests » ! C’est vraiment la plus grande tragédie pour les artistes depuis que l’art existe ! Jamais une chose pareille n’a existé. Et je suis vraiment contente pour mes collègues qui, ici ou là, arrivent à travailler en ce moment.

Le Metropolitan Opera vient d’ailleurs d’annoncer qu’il annule toute sa saison.

Oui, Peter Gelb m’a adressé une lettre hier soir pour tout expliquer. C’est vraiment une grande tristesse. Il en est de même pour le Royal Opera House. Des centaines de personnes travaillent dans ces théâtres. C’est bien plus tragique pour le spectacle vivant que pour le sport par exemple, car dans ce cas, ces derniers peuvent faire leur travail sans spectateurs. Et ils sont payés !
Mais pour les artistes, il n’y a ni l’un ni l’autre, il n’y a rien du tout ! Il faut trouver des solutions. Mes collègues ont des familles, des maisons, des écoles à payer pour les enfants. J’espère aussi que nous, les artistes, allons rester unis. Il faut aussi que le public nous aide et nous apporte le témoignage qu’il nous aime. Ici, à Liège, si demain une personne a le virus, il faudra fermer ! Nous sommes en permanence avec cette épée de Damoclès au-dessus de notre tête !

Dans les théâtres qui ouvrent aujourd’hui, le public revient. Il est au rendez-vous !

Absolument ! Je peux vous dire que les applaudissements, hier soir, étaient une tellement belle musique pour mes oreilles ! Les gens ont envie de sortir. Et c’est aussi à nous, les artistes de montrer que la musique aide l’âme dans une période telle que celle que nous vivons. Notre art aide le mental, aide le psychique ! La musique peut donner beaucoup d’optimisme, alléger le poids des épreuves traversées. L’aide finalement est des deux côtés. Nous aussi, nous avons un devoir.

Revenons à La Bohème. Votre première Mimi date, je crois, de 1992.

De 1990 ! Après avoir terminé l’Académie de musique, j’ai débuté avec La Bohème à l’Opéra de Cluj-Napoca en Transylvanie. C’est une salle comparable à Liège. Cluj-Napoca est la ville la plus importante de Transylvanie.

« Conserver ma voix est une science, une technique, un travail immense ! »

Il y a donc 30 ans qui séparent ces deux Mimi ! Comment a-t-elle finalement évolué cette Mimi ?

Elle a mûri (rires) ! C’est l’implacable déroulement du temps. Mais j’ai de la chance à 55 ans de pouvoir encore chanter la Mimi. Vous savez, ma sœur était chanteuse également et elle est partie à 30 ans. Alors je me sens fortunée. Et dans tous les sens possibles. Je suis sur un nuage d’avoir encore la possibilité de chanter Mimi. Bien sûr, j’aimerais avoir encore plus de fraîcheur. Mais tout le monde me dit « tu ne peux vraiment pas te plaindre ? » C’est vrai, avoir encore cette voix pour chanter Mimi, cela repose sur un effort de 30 ans et c’est aussi le résultat de tous les NON que j’ai prononcés dans ma carrière. Conserver ma voix est une science, une technique, un travail immense ! C’est mon corps, c’est ma façon de penser, c’est ma technique, c’est une grande liste de détails. Je peux vous dire que ce n’est pas de la rigolade. Mais avoir 30 ans de carrière mondiale et interpréter un rôle de jeunesse, c’est génial !

Vous avez fait des choix…

Pendant ma carrière, j’ai toujours su quand, quoi, et avec qui je devais chanter. J’ai toujours décidé quoi faire pour rester le plus longtemps possible sans perdre le timbre, les couleurs, la possibilité d’assumer un rôle. Et pas seulement de le chanter, mais de le dire ; d’avoir l’instrument pour donner le sentiment que tu es Mimi. C’est d’ailleurs valable pour tous les rôles que j’ai tenus.
Ensuite, je dois ajouter que dans ma carrière, le plus important pour moi a été le disque, les enregistrements. Et pour avoir la voix pour réaliser des disques, pour chanter en face d’un microphone, vous devez encore avoir la fraîcheur de la voix. Le micro est comme un révélateur. Tu ne peux pas enregistrer si ta voix est ruinée !
C’est donc aussi pour cela que je souhaite faire beaucoup d’enregistrements. Je viens d’en faire un pour Vangelis et un autre qui est un récital avec piano pour Decca.

Il vous est donc arrivé souvent de dire non…

Oui ! Et lorsqu’il m’est arrivé de dire « non » dans ma carrière, j’ai inévitablement mécontenté certaines personnes. Mais personne au monde n’est à ma place ! Aucun chef d’orchestre, aucun collègue, aucun directeur de théâtre… Un artiste est tout seul avec son instrument pour toute sa vie !

On voit certains ou certaines de vos collègues qui brûlent les étapes, car il y a probablement derrière cela des chefs d’orchestre ou des agents qui les poussent à agir ainsi.

Bien sûr ! Car ces gens veulent des résultats immédiats, mais ils ne pensent pas à la construction d’une carrière. Mais de l’autre côté, il y a aussi les choix de l’artiste. En ce qui me concerne, personne ne m’a jamais mis le pistolet à la tempe. C’est à l’artiste d’être conscient s’il doit dire oui ou non.

Si l’on revient sur cette carrière de 30 années, quels sont les rôles que vous considérez comme les plus importants ?

Oh, mon Dieu ! C’est difficile à dire ! (rires)
Le premier fut La Bohème parce que j’y ai fait mes débuts à Covent Garden puis au Metropolitan. Et j’ai connu Roberto (Alagna) dans La Bohème ! Puis, j’ai eu l’occasion de faire la nouvelle production de Traviata et j’ai chanté dans les plus grands théâtres du monde avec ces rôles. Il y a eu aussi les œuvres françaises. Pour Roméo et Juliette, j’ai également fait le film. J’ai également interprété Marguerite dans Faust… un de mes rôles favoris ! Je l’adore !

Notamment dans cette magnifique mise en scène de David McVicar à Londres avec Bryn Terfel…

C’était absolument magnifique ! À Covent Garden, à cette époque, ils m’ont aussi proposé Manon Lescaut et je leur ai répondu « non, non, non et non ! (rires) je le ferai plus tard, mais on doit d’abord faire La Rondine ». Et grâce à Dieu, ils m’ont écoutée. Alors, j’ai fait cette production magnifique de Nicolas Joël.
Il faut dire que j’ai toujours eu la possibilité de choisir et cela a été fantastique. Toute ma carrière, j’ai eu la chance de choisir mes rôles, mes partenaires, mes chefs d’orchestre, mes maisons de disques, tout ! J’ai choisi ce que je voulais faire et avec qui je voulais le faire, pour mes disques comme au théâtre. On m’a toujours fait confiance. Ce sont des productions de référence et beaucoup de mes collègues ont participé aux productions de Traviata, de Tosca, d’Adrienne Lecouvreur que j’avais créées.
Un moment de la carrière important a également été le film Tosca.

De Benoit Jacquot…

Mais quelle histoire cette Tosca ! Quelle chance cela a été de faire un vrai film d’opéra de qualité. Je me souviens de Daniel Toscan du Plantier qui m’avait vue à Paris dans La Traviata. Il est venu dans ma loge et m’a dit « Angela, tu es ma Tosca ! » Je lui ai répondu « Oui, mais bien sûr ! Quand ? » (rires) En parlant ainsi avec vous, cela me rappelle des moments incroyables de ma carrière. J’ai vraiment eu la plus grande chance que peut avoir un artiste dans ce milieu !

Cette Tosca, c’était une distribution éblouissante, car il y avait vous, Roberto et également Ruggiero Raimondi !

Bien sûr ! Ruggiero Raimondi était extraordinaire, comme l’étaient Roberto, Tony, et l’Orchestre et le Chœur du Royal Opera House.
Roberto n’était pas très content avec cette Tosca ; il disait qu’il le faisait pour moi. Il a eu tort ! Il était formidable ! Ce qu’il a fait avec moi était vraiment top et cela restera ainsi pour toujours ! C’est la vérité.
J’ai toujours fait attention à tout. À quel genre de chef d’orchestre, à quelle salle, à quel orchestre même ! Je me rappelle quand on a enregistré le disque Verdi ; on l’a fait avec le Berliner Philharmoniker. Excusez-moi ! On n’a plus ça aujourd’hui ! On ne peut plus faire des choses pareilles !
Il faut aussi préciser que Roberto était dans mon contrat de Decca et que moi j’étais dans son contrat de EMI. On faisait tout ce qu’on voulait !
Ainsi, pour le film de Tosca, personne ne voulait de Tony Pappano. Je me suis battue pendant une année pour Tony, car on voulait que ce soit Zubin Mehta ou Lorin Maazel. Tony n’était pas encore très bien connu. Et je leur disais : « C’est lui le prochain, il apporte quelque chose de moderne, de nouveau ! » Et finalement, ils m’ont écoutée.
Il y a eu aussi les fois où j’ai imposé Jonas Kaufmann.

…Avec qui vous avez chanté pas mal… dans Tosca, dans Adrienne Lecouvreur…

J’ai fait ses débuts à la Scala, au Metropolitan, au Royal Opera House. À la Scala, c’était dans Traviata. À cette époque, j’ai eu deux ténors comme partenaires, j’ai fait la vidéo avec mon ami Ramon Vargas. Et il y a eu Jonas.

Il y a aussi eu des rôles que vous n’avez tenus qu’au disque.

Oui ! Il y a eu notamment Madame Butterfly. Parce que j’ai compris que c’est un rôle très émouvant que je ne pourrai pas tenir sur scène. J’ai eu des drames immenses dans ma vie. Et je n’ai pas la force. Je n’ai pas le courage. Là aussi j’ai du lutter, notamment pour faire le contre-ut dans le duo, car ni Tony, ni Jonas ne voulaient. Et je leur ai dit : « Si vous voulez faire Madame Butterfly avec moi, on fait ça ! » (rires). C’est vraiment l’un de mes disques favoris. J’ai fait ce disque avec un plaisir immense. Je me souviens, je chantais trois heures par jour, « full voice ». J’ai adoré !

« Il n’y a plus aujourd’hui de chef comme Georg Solti ! »

Nous avons déjà parlé de belles rencontres, nous avons parlé de Roberto, mais il y a également quelques noms qui me viennent en tête lorsque je pense à vous. Georg Solti évidemment !

C’est quelqu’un de très important pour moi ! C’est le seul musicien que j’ai connu qui ait fait des choses formidables pour moi, comme personne d’autre. Il faut se rendre compte comment ce chef d’orchestre s’est battu à ce point, pour l’artiste que j’étais. C’était incroyable ! Après ma première répétition, il est allé à la BBC, et chez Decca ; il leur a dit : « Demain, vous devez être présents pour les répétitions ! Vous devez écouter ça ! ” Il a vraiment mis une touche de noblesse sur notre travail.
On n’a plus aujourd’hui de chef comme ça ! Je suis tellement heureuse d’avoir eu cette expérience avec lui. Nous avions d’ailleurs des projets. Nous avions commencé à faire un disque Verdi ensemble. Nous n’avons enregistré que trois airs et il est mort. Nous voulions aussi faire un Pelleas et Mélisande ainsi que des opérettes viennoises et roumaines. Car lui était hongrois et moi roumaine. Nous avions des idées fantastiques que nous n’avons pas pu concrétiser. C’est la vie !
Mais je ne peux pas me plaindre, j’ai fait des opéras et des concerts avec des chefs comme Riccardo Muti, Claudio Abbado, Lorin Maazel, Zubin Mehta, James Levine, Marco Armiliato, Evelino Pido, Daniel Oren, Emmanuel Villlaume, Seiji Ozawa. J’adore Ozawa. J’ai vraiment eu une grande chance !

Est-ce que, dans l’histoire de l’opéra, il existe des personnes qui sont plus importantes pour vous que d’autres ? Je sais, par exemple, que Renata Tebaldi vous a envoyé un jour un courrier pour vous soutenir.

Oui, quelle belle surprise cela a été ! Voilà comment se comportent les grands artistes ! Je l’ai rencontrée ensuite. J’étais à la Scala et nous nous sommes rencontrées. Elle était charmante.
Je ne peux pas dire qu’il y ait des chanteurs qui m’ont inspirée, car lorsque je les ai découverts je chantais déjà. Mais depuis, j’ai écouté beaucoup de choses.
Je peux vous dire que le premier disque que j’ai écouté c’est La Traviata avec Virginia Zeani. Quand je l’ai vue belle comme une star de cinéma, avec cette voix géniale. Waouh !

Mais il y a eu un âge d’or… On parle de Tebaldi, de Zeani. Il y a eu Callas, Scotto, Caballé.

Oui, j’aime aussi Claudia Muzio, Maria Cebotari, et bien sûr Rosa Ponselle.
J’adore les voix avec un beau timbre. Ce n’était pas le cas de Scotto ou Callas. J’aime Montserrat Caballé, Kiri Te Kanawa, Mirella Freni, Birgit Nilsson et aussi des mezzos, des barytons, des basses… Quand je repense à Franco Corelli ou à Franco Bonisoli. Waouh ! C’était des voix monstrueuses. Et Corelli, quel homme ! C’était un vrai latin ! Il ne faisait pas semblant ! (rires)

« Le plus important pour une voix ce n’est pas de faire des mathématiques ou des décibels, c’est de laisser une trace émotionnelle »

Alors, plutôt que quelqu’un d’autre le fasse, comment définiriez-vous votre voix ? Il y a les rôles que vous avez chantés et que nous avons déjà cités comme Tosca, mais vous avez aussi voulu chanter Carmen

J’ai aussi chanté Charlotte dans Werther à Vienne et à Salzburg ! Avec Piotr Beczala.
Définir ma voix moi-même ? C’est difficile. L’essentiel pour moi, c’est de tenir sur les couleurs et le timbre et que les émotions soient présentes chaque seconde. Et les émotions à l’état pur. Ce qui est important pour moi, ce n’est pas la quantité, de faire 1000 spectacles ! Le plus important pour une voix ce n’est pas de faire des mathématiques ou des décibels, c’est de laisser une trace émotionnelle. Lorsque la trace émotionnelle est là, c’est cela le plus important !

Abordons maintenant vos projets même si la période est très compliquée. Les choses changent tout le temps, les frontières s’ouvrent, se ferment…

Je crois que dans la période, le plus chic, c’est de donner une réponse vague (rires). On refait les projets jour après jour. Chaque jour, on peut faire un projet, et chaque jour on peut perdre un projet.

Dans ce que vous aviez prévu, y a-t-il déjà des choses qui sont ou ont été annulées ?

Oui bien sûr que j’ai des choses annulées ! Mes représentations de Tosca prévues au Royal Opera House sont annulées, ainsi que celles de La Bohème au Metropolitan Opera. Cet hiver s’annonce très incertain pour tout le monde… On va faire les choses petit à petit, step by step !
Mais the show must go on. Et c’est cela le plus important !

Visuels : © Simon Fowler © Nigel Norrington © Irina Stanescu © Gioacchino Cantone

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2 thoughts on “Angela Gheorghiu : “Dans ses choix de carrière, c’est à l’artiste d’être conscient s’il doit dire oui ou non” !”

Commentaire(s)

  • Irmtrud wilhelmi

    Liebe maestra angela,
    Ich bin tief beeindruckt von diesem interview. Sie sind nicht nur mit einer jahrhundertstimme,
    klassischer Schönhelt und Eleganz gesegnet sondern auch mit Klugheit und Herzenswärme.
    Was will man mehr! Sie sind unerreicht und das wird für lange Zeit so bleiben!
    Ich wünsche Ihnen das Allerbeste, Gesundheit und Lebensfreude. In Verehrung und Liebe. iW

    I
    In

    September 30, 2020 at 10 h 48 min
  • HELENE ADAM

    Merci à Angela Gheorghiu de nous faire partager tous ses souvenirs. Les deux derniers en ce qui me concerne, auront été la Bohème (avec Tézier et Beczala) puis Adriana Lecouvreur, tous deux à Bastille. C’était avant…

    September 30, 2020 at 19 h 25 min

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