
On n’est pas là pour disparaitre : l’oubli comme maître-maux
Pour sa nouvelle saison, le Théâtre 14 revient avec une pièce sur la maladie d’Alzheimer, adaptée d’un roman d’Olivia Rosenthal, mise en scène par Mathieu Touzé. Un monologue polyphonique qui vaut surtout pour l’interprétation d’Yuming Hey
Alzheimer est une maladie qui fait froid dans le dos, cauchemarder et qui pose surtout cette terrible question : existe-on encore lorsqu’on oublie tous ceux qu’on aime, lorsque notre identité elle-même commence à s’effacer ? L’ambition de cette pièce, aux limites de la performance, est de s’attaquer à ces interrogations, tout en proposant une expérience immersive, cherchant à plonger son public dans l’esprit d’une personne atteinte de cette dégénérescence. Malheureusement, le pari n’est qu’à moitié tenu.
Et quelle moitié tout de même ! Car, on ne peut que louer l’interprétation d’Yuming Hey qui, tel un musicien virtuose, joue une symphonie polyphonique du seul instrument qu’est sa corde vocale ; faisant tour à tour vibrer le tourbillon intérieur de Monsieur T., atteint de la maladie, la résilience matinée de chagrin de sa femme, victime d’un de ses moments de démence, ou encore, avec la diction froide et objective d’un conférencier, des infos sur la pathologie et son historique.
Une scénographie entre vide et sobriété
Ce qui pêche, à nos yeux du moins, c’est la mise en scène. On comprend très bien que Mathieu Touzé a fait le choix de la sobriété et d’un décor “clinique” avec sa scénographie constitué uniquement d’écrans blanc devant lesquels s’exprime le comédien. Or, si l’idée de centrer l’attention sur son interprétation est tout à fait cohérente, l’usage de ces écrans nous pose problème.
Ainsi, avant qu’ Yuming Hey survienne sur scène, une longue diapositive nous crible d’informations sur la maladie d’Alzeihmer expédiées à toute vitesse, loin du travail polyphonique qui nous étais promis. Ensuite, une fois l’acteur arrivé, les écrans ne servent presque plus qu’à projeter des motifs flous, aperçu peu convaincant de la déconnexion des malades d’Alzheimer de leur environnement. Face à ces usages de la scénographie faisant entrevoir le champ des possibles sans vraiment les explorer, on a un peu l’inconfortable impression que Mathieu Touzé ne parvient qu’à entrouvrir timidement des portes sans jamais osé en passer franchement le seuil.
Alzheimer, un nom qui fait si peur
On soulignera tout de fois les “séquences” d’exercices mentaux où une voix préenregistrée (Marina Hands) vient intimer au public des directives permettant de se mettre dans la peau de ceux et celles qui ont perdu ce bien si précieux qu’est la mémoire. Ces exercices sont un bel hommage à la confiance du metteur en scène en l’imagination de son public. D’ailleurs, c’est lors d’un d’eux que surgit le moment le plus drôlement lugubre de la pièce, un de ces instants où on rit avec une larme au coin de l’œil, quand la voix quasi-robotique du processeur fait ce constat : “s’il y avait moins de médecins, certaines maladies n’auraient pas de nom et on ne pourrait donc pas les identifier quand nos proches en souffrent”. Alzheimer. Un nom qui fait si peur mais qu’il faut pourtant se préparer à affronter. Si ce spectacle n’est pas toujours au niveau de ses ambitions au moins a t’il l’énorme courage de regarder la maladie dans les yeux.
Visuel ©Christophe Raynaud de Lage
On n’est pas là pour disparaître,
D’après le roman d’Olivia Rosenthal
Mise en scène et adaptation Mathieu Touzé
Avec Yuming Hey
Et la participation de Marina Hands, de la Comédie Française.
Du 21 septembre au 3 octobre 2021.
mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h
jeudi à 19h
dimanche à 16h