Danse
Cinédanse : Les Ashantis à Lyon

Cinédanse : Les Ashantis à Lyon

23 September 2021 | PAR Nicolas Villodre

La récente création chorégraphique d’Irène Tassembédo, Yiiki, évoque un empereur ashanti de légende, un guerrier que l’on peut associer au danseur filmé à Lyon en 1897 par un opérateur Lumière en train de menacer pour de faux son rival dans un duel à l’arme blanche et pour de vrai, en se tournant vers la caméra, les spectateurs du cinématographe, deux ans à peine après son invention.

Zoos humains

Zoos humains, mémoires coloniales, tel était le thème d’un programme de recherche portant sur les stéréotypes et les représentations de l’Autre, entrepris en 2001 ainsi que de l’exposition Exhibitions, l’invention du sauvage qui s’est tenue dix ans après au musée du quai Branly. Il est vrai que quand on observe les vues stéréoscopiques éditées par le célèbre épicier Julien Damoy montrant en relief, plus vrais que nature, de pittoresques Ashantis que les Parisiens avaient été invités à découvrir en chair et en os au Jardin zoologique d’acclimatation en 1903, la notion de zoo humain n’a rien de métaphorique.

Le passage du “bon sauvage” d’état de nature à phénomène de foire remonte pour les chercheurs au début du XIXe avec la Vénus hottentote. À la fin de ce siècle, en 1897, un opérateur inconnu réalisa pour le compte de Louis Lumière quatorze prises de vue d’Ashantis provenant du Ghana, mis en scène de façon spectaculaire dans un village reconstitué de toutes pièces pour l’occasion sur le cours du Midi de la bonne ville Lyon – sur l’actuel cours Verdun. Ashanti s’est écrit de plusieurs façons différentes : Ashanti, Aschanti ou même Asante. 

Danse-fétiche

Listons les titres des films dans l’ordre du catalogue Lumière, qui n’est pas nécessairement celui du moment du tournage ou de l’entrée en scène d’artistes censés jouer leur propre rôle : Danse du sabre, I (vue n° 441), Danse du sabre, II (vue n° 442), Danse de jeunes filles (vue n° 443), Danse de femmes (vue n° 444), Danse du féticheur (vue n° 445), Défilé de la tribu (vue n° 446), Repas des négrillons, I (vue n° 447), Repas des négrillons, II (vue n° 448), Toilette d’un négrillon, I (vue n° 449), Toilette d’un négrillon, II (vue n° 450), Récréation des négrillons (vue n° 451), École des négrillons (vue n° 452), Nègres Achantis : danse d’hommes (vue n°564), Nègres Achantis : leçon de danse (vue n°565).

La danse, on le voit, est très présente dans ces bobines qui durent moins d’une minute chacune. La présence, côté cour du plateau cinématographique, de danseurs attendant leur tour ou venant tout juste de se produire prouve, s’il le fallait, que nous avons affaire à un véritable spectacle et non à une manifestation spontanée ou à une célébration rituelle. Le personnage du féticheur attire l’attention avec le visage maquillé qui lui donne une ambiguïté sexuelle et qui, par sa blancheur est  l’opposé du “black face”. Enfin, l’escrimeur au sabre défie son adversaire puis, par intermittence, les spectateurs lyonnais de l’époque. Il semble aussi narguer le public d’aujourd’hui.

Visuel : https://catalogue-lumiere.com.

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