Pop / Rock
[Live report] Flavien Berger, The Soft Moon, Foals & Daniel Avery à La Route du Rock

[Live report] Flavien Berger, The Soft Moon, Foals & Daniel Avery à La Route du Rock

16 August 2015 | PAR Bastien Stisi

Après une journée inaugurale à La Nouvelle Vague et une seconde journée marquée par les lives de Timber Timbre, de Girl Band et de Ratatat, La Route du Rock accueillait hier sur son site de Saint-Père les lives d’Only Real, de The Soft Moon, de Daniel Avery, et surtout de Foals, tête d’affiche « par défaut » de cette 25e édition. Une journée marquée, surtout, et on s’en doutait, par l’omniprésence pesante de la redoutable absente…

Björk : un seul être vous manque, et tout est dépeuplé

Petit rappel pour ceux qui auraient séjourné au cours des deux dernières semaines sur une planète autre (ou tout simplement, pour ceux qui auraient passé leur RTT dans une région dépourvue de connexion WI-FI) : deux semaines avant le début de cette édition 2015, l’Islandaise super star Björk, mettant simplement en avant « des problèmes d’agenda » et « la difficulté de gérer un live émotionnellement très compliqué » (Vulnicura, son dernier album, est un album de rupture amoureuse), a annulé son live prévu ce samedi soir (et aussi, parmi d’autres, son live automnal au Pitchfork), laissant La Route du Rock orpheline de tête d’affiche de grande ampleur afin de fêter avec elle sa 25e bougie… S’en suivront un tas de petits bonheurs pour les organisateurs, confrontés alors à une problématique triple : celle de la crédibilité artistique (ils n’y peuvent rien, ceci est un caprice de diva), celle du remboursement des billets des plus déçus (certains annuleront, d’autres râleront, d’autres comprendront), et celle, surtout, de trouver un remplaçant de calibre équivalent dans l’urgence (ce sera Foals, on l’a compris).

Compliqué, malgré les bonnes volontés, de se relever de pareille annulation sans laisser de trace, surtout lorsque l’on a investi autant (financièrement et artistiquement parlant) dans l’artiste en question. Björk demeura, pour les acteurs de La Route du Rock, cette amante longtemps promise que l’on ne prend au final jamais, et dont on se rappelle quand même, dans un fantasme superbe et incontrôlé, les doux moments partagés…

Flavien Berger, Kiasmos : fête noire

Alors, les plus fous pourront croire pouvoir la voir émerger des flots telle l’étrange sirène vaginale figurée sur la pochette de Vulnicura, lorsque le Français Flavien Berger, au cours d’un live qui aura rarement mobilisé autant de monde sur les bords de la plage (c’est la conséquence de la qualité inédite de son premier album), invoquera son Leviathan, par le biais des morceaux issus de cet album éponyme (« Leviathan », « Gravité », « La Fête Noire ») et aussi de ses premiers EP (« Glitter Gaze », « « Océan Rouge »). Rien ne viendra pourtant, si ce n’est un live aux contours dada une nouvelle fois très grand.

Les plus superstitieux voudront la voir aussi par filiation ethnique et géographique, dans le live du duo Kiasmos, formé par Ólafur Arnalds et par Janus Rasmussen (le premier est Islandais et le second Féroïen), un set deep, electronica et lyrique que l’on aurait sans doute considérablement dégusté à 5 heures du mat à proximité d’une cave / calotte glaciaire islandaise, mais que l’on aura un peu plus de mal à recevoir à 19 heures, plein soleil, sur la grande Scène du Fort de La Route du Rock… Lindstrøm, qui clôturera la soirée à 3 heures du matin, est pour sa part Norvégien, comme Todd Terje son compère de pays, de pilosité et d’ambiances électro disco, passé sur la même scène l’an dernier.

Il y aussi cette chèvre, un animal que l’on sait nombreux au sein de la terre d’Islande, dont on verra dépasser la tête au sommet d’un bâtiment à certains moments du très bon live de l’Américain Niall Gavin et de son groupe Only Real, entre King Krule et Mac de Marco (le côté sale gosse en moins) qui donnera une sacrée envie de se dandiner en levant la tête vers le soleil encore haut avec un petit sourire esquissé, la première bière de la journée à la main (c’est d’ailleurs ce que les gens font). Plus lion que chèvre, il y aussi le chanteur de Spectres, tout fier d’arborer lors du live shoegaze, noisy et très bon de son quatuor bruitiste adepte de guitares distordues, un tee-shirt à l’effigie de celle dont il va falloir convenir, comme pour Voldemort ou Sauron, de ne pas prononcer le nom…Björk partout, Björk tout le temps.

Björk Guðmundsdóttir (c’est son vrai nom), on la retrouve aussi, parce que ça devient vraiment une obsession, dans le live des quatre filles de Hinds (anciennement Deers), tout simplement parce que ces filles-là sont des filles comme Björk. Et s’il est scandaleux de se réjouir uniquement en considérant les attributs du sexe (parce qu’il faut bien avouer que le live de ces Espagnoles au garage pop lo-fi et désinvolte ne stimulera pas outre-mesure la foule), on s’en réjouit quand même : en trois jours de festival, et parce que même les Girl Band sont en réalité des garçons, ce sont quand même les premiers attributs féminins (sans compter la bassiste de Thurston Moore) que l’on est amené à voir sur scène…

Lumineux Foals, sombres Soft Moon

Aussi, on la siffle et en salit l’image, comme lorsque Yannis Philippakis et ses Foals, de plus en plus à l’aise dans leurs habits de rock heros détonateurs de foule, évoqueront le nom interdit en introduction d’un set composé à partir des quatre albums du quintet (le 4e, What Went Down, sort à la rentrée), un set dont on saluera la puissance mélodique (« My Number », « Mountain At My Gate », « Blue Blood »), les beaux élans de rock acéré (« Snake Oil », « Inhaler », « Providence ») et les capacités de plus en plus fédératrices (tout le monde chiale sur « Spanish Sahara »).


On s’auto-flagelle, même, lorsqu’après l’interprétation du bondissant « Two Steps, Twice » – issu d’Antidotes, le tout premier et meilleur album du groupe d’Oxford –, et avant le début du set deep, raveur et technoïde du Londonien Daniel Avery – toujours sans fautes –, la sono de La Route du Rock passe un remix d’un morceau de l’Islandaise en guise de musique d’ascenseur gravitationnel… Un remix tout noir, par ailleurs, qui rappellera le set donné quelques heures plus tôt par les Américains de The Soft Moon et de leur ténébreux chanteur / incantateur Luis Vasquez, qui imposeront, par le biais du meilleur live de cette 3e journée de festival, une ode post-punk, technoïde et cold-wave à ce soleil en train d’émettre son dernier souffle de la journée (pas pour rien que les mecs s’appellent « The Soft Moon »). Gloire à l’ombre.

Cette diva, définitivement bien trop présente hier, on essaiera de la zapper aujourd’hui pour la dernière journée du festival, qui accueillera dans son enceinte de plus en plus ensoleillée les concerts à venir de Ride, de Dan Deacon, de Savages, de Viet Cong et de Jungle.

La programmation complète de La Route du Rock est à retrouver par ici.

Visuels : (c) YBouh

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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