Musique
Jérôme Soligny écrit la légende de Bowie (Interview)

Jérôme Soligny écrit la légende de Bowie (Interview)

08 January 2021 | PAR Kevin Sonsa-Kini

Il y a cinq ans le 10 janvier 2016, David Bowie nous quittait alors qu’il venait de fêter ses 69 ans le 8 janvier. Fidèle et grand admirateur de David Bowie depuis sa jeunesse, Jérôme Soligny, est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la vie et à la carrière de l’interprète de “Let’s Dance”. Le journaliste musical a sorti en fin d’année 2020, le deuxième épisode de la saga David Bowie : Rainbowman (1983-2016)

Dans cette interview accordée à Toute la culture, Jérôme Soligny nous raconte son Bowie et sa légende à travers ses multiples facettes. 

Propos recueillis par Kevin Sonsa-Kini. 

Toute la culture : Le second tome de David Bowie : Rainbowman (1983-2016) succède au premier tome David Bowie : Rainbowman (1967-1980) paru en novembre 2019. Qu’est-ce qu’évoque cette période 1983-2016 pour vous ? 

Jérôme Soligny : Cette période inclut celle du David Bowie que j’ai connu et avec qui j’ai échangé, du début des années 90 à la fin 2014. Cette complicité n’a jamais été que professionnelle, mais m’a laissé des souvenirs d’entretiens inoubliables.

Sur le plan musical, le David Bowie du second tome est peut-être moins souverain. Mais je considère que, paradoxalement, ses défis d’artiste, son combat, souvent contre lui-même, le rendent plus humain et donc attachant. David Bowie : Rainbowman est l’étude de l’œuvre d’un artiste miroitant jusqu’à la fin, une sorte de boule à facettes dotée d’un intense pouvoir de séduction ! 

Vous avez côtoyé David Bowie à plusieurs reprises en tant que journaliste musical. Vous avez même consacré plusieurs ouvrages sur cet artiste. Qu’est-ce qui vous fascine chez le personnage de Bowie ? 

Son intelligence, son sens de l’acceptation permanente de l’œuvre d’autrui, sa manière brute et instinctive de s’attaquer à son propre art musical, sa disponibilité, son insatiable curiosité… La liste est un peu sans fin. On ne pouvait pas non plus nier son physique, troublant jusqu’à son retrait de la vie publique, et la vivacité de son sens de l’humour. 

Comment avez-vous vécu sa disparition en 2016 ? 

Comme un cauchemar. Mais j’ai perdu mon père durant la rédaction de David Bowie : Rainbowman et, bien sûr, c’est à ce moment-là que j’ai véritablement touché le fond. Jeunes, mon père et David écoutaient exactement la même musique… Le matin du décès de David Bowie, j’ai d’abord refusé toutes les sollicitations pour m’exprimer et puis Philippe Manœuvre m’a appelé sur le téléphone de ma femme et m’a dit : “Jérôme, on t’attend à Paris. Tu dois parler. Tu n’as pas le choix.” J’y suis allé.

Combien de temps il vous a fallu pour la réalisation de ce deuxième tome à travers : l’écriture, la transcription, la recherche d’images d’archives, le recueil des témoignages (300 personnes au total) et la traduction ?

L’ensemble du projet a pris cinq ans. Mais comme me l’ont fait remarquer quelques amis, j’ai certainement mis dans David Bowie : Rainbowman, un demi-siècle de passion que je n’ai jamais su, ni voulu refréner. Je me suis totalement laissé dépasser par le temps qu’a pris la confection du livre… Il y a près de 250 interviews neuves dont la retranscription puis la traduction ont été très longues… 

A travers les deux livres que vous avez réalisés, avez-vous finalement appris des choses sur David Bowie que vous ne connaissiez pas ?

Oui, énormément. Je dis souvent que j’ai écrit le livre que j’aurais aimé lire et c’est sincère ! J’ai une passion pour le factuel, le détail qui tue ! Les ruisseaux minuscules qui font les grands fleuves… La vie m’a présenté David Bowie : Rainbowman sur un plateau et je ne remercierai jamais assez Aurélien Masson et les équipes de Gallimard qui ont travaillé d’arrache-pied sur les livres, dans des conditions insensées, et m’ont laissé faire d’un rêve, une réalité.  

Quels sont les témoignages qui vous ont le plus marqués dans l’écriture du livre et les chapitres ?

Qu’ils soient célèbres ou peu connus, les contributeurs des deux tomes, ont autant d’importance à mes yeux. Mon ami Tony Visconti, qui a travaillé avec David du début à la fin, est un peu la figure tutélaire de l’ensemble de David Bowie : Rainbowman, mais Reeves Gabrels et Mark Plati, contributeurs majeurs du second tome, ont été fabuleux à maints égards. Evidemment, je suis particulièrement heureux que Hermione Farthingale, petite amie de David Bowie à la fin des années 60 et qui a ensuite passé sa vie dans l’ombre, ait accepté de s’exprimer en proposant, à partir d’une photo prise par Tony, un incroyable regard sur l’ensemble de sa carrière. 

Voilà maintenant cinq ans que David Bowie nous a quittés, quels souvenirs gardez-vous de vos relations avec ce monstre sacré de la musique britannique ? 

Plusieurs, dont certains, privés, que je garde pour ma famille et moi. Sinon, je n’oublierai jamais cette journée que j’ai passée avec Tin Machine et lui, à Paris, allant de plateaux télés en émissions de radio. Dès qu’il le pouvait, il venait vers moi, me parlait de lui, me racontait des souvenirs de Londres et me posait plein de questions sur moi et Le Havre, dont je suis originaire. Je me suis toujours demandé en quoi je l’intéressais ! De nombreux musiciens interviewés de David Bowie : Rainbowman ont vécu, avec lui, une expérience similaire, et ça m’a évidemment troublé de recueillir leurs propos. 

“David Bowie est incontestablement le musicien majeur qui, a chamboulé ma vie de mélomane et de musicien… mineur” (Jérôme Soligny)

Pour vous, David Bowie est-il et restera-t-il, le meilleur artiste de tous les temps ? 

Je ne suis pas friand de l’idée d’établir une hiérarchie dans l’art ou le talent. Les Beatles et Roxy Music sont pour moi les plus grands groupes de tous les temps, mais ça n’engage que mes goûts. Je ne cherche à convertir personne. David Bowie est incontestablement le musicien majeur qui, même s’il n’était pas descendu du poster au mur de ma chambre d’ado pour me serrer la main, a chamboulé ma vie de mélomane et de musicien… mineur. 

Visuels : ©Laurent Lachèvre (image en une), “Archives Jérôme Soligny/Truant Songs”,  ©Jean Caron (photos David Bowie). 

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Kevin Sonsa-Kini

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