Classique
Colmar accueille l’Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort

Colmar accueille l’Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort

09 July 2023 | PAR Victoria Okada

Quelques années d’absence n’ont pas empêché le Festival international de Colmar de repartir de plus belle. Le nouveau directeur artistique Alain Altinoglu semble déjà avoir trouvé une formule gagnante : un « concert prestige » du soir à l’Église Saint Matthieu, un concert de musique de chambre à 18 heures au Théâtre municipal de Colmar, et à 12 heures 30, un concert du cycle Jeunes Talents à Koïfhus.

Concert inédit « Éveil des sens »

En ce début du festival, Alain Altinoglu invite l’Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort dont il est directeur musical depuis 2021. Inventif, il collabore, pour le concert intitulé « Éveil des sens », avec le chef cuisinier étoilé Eric Girardin, qui tient son restaurant à Colmar. Ce dernier offre son interprétation de quatre pièces extraites des Tableaux d’une exposition de Moussorgski ; les délicates bouchées délectent notre papille sous l’effet sonore des « Gnomes », des « Tuileries », de « Samuel Goldenberg et Schmuyle » et des « Catacombes » ! L’orchestre est énergique, colorée et éblouissante, que le chef (musicale) sert subtilement assaisonné ou bien dosé. La brillance des harmonies et l’homogénéité des cordes font un très bon ménage, de la « Promenade » initiale jusqu’à la « Porte de Kiev » finale. Un vrai régal, cette fois pour l’oreille.

Sergueï Khatchatryan, l’inimitable

Dans la première partie, la dégustation musicale bat déjà plein. Après l’ouverture de l’opéra La Khovanchtchina de Moussorgski comme amuse-bouche, le violoniste Sergueï Khatchatryan offre une entrée magistrale, le concerto d’Aram Khatchatourian. En vérité, c’est une entrée bien fournie, à l’instar du plat principal. Son interprétation est marquée par un investissement extraordinaire et une incarnation musicale exceptionnelle qui ne laissent une seule personne indifférente. Ses coups d’archets si habiles vont de pair avec sa main gauche parfaitement maîtrisée, permettant des sons tour à tour puissants, envoûtants, doux ou espiègles. Et sa formidable capacité de prendre autant de liberté dans un cadre minutieusement structuré, fait incontestablement sa force, inimitable. Inimitable parce qu’il met sa vie dans chaque note, dans chaque phrase. Inimitable parce qu’il sert la musique comme combustible pour la vivre à cent pour cent. Et nous vivons la musique avec lui. N’est-ce pas la quintessence d’un concert ?
Il propose en bis une chanson spirituelle d’Arménie du Xe siècle, une musique remplie de silence éloquent. Et nous nous plaignons avec lui, en silence.

Mozart dans la formation… Mozart

Si l’Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort excelle dans de grandes œuvres symphoniques à un effectif avec une centaine de musiciens, il l’est autant pour une formation plus petite, comme dans le programme Mozart du 7 juillet : l’ouverture des Noces de Figaro et la Symphonie n° 40 en sol mineur, et entre les deux, le concerto pour hautbois de R. Strauss avec François Leleux. Une formation mixte avec les trompettes et les cors naturels et les autres instruments modernes, l’alliance est heureuse. Les cors sont immédiatement reconnaissables par sa sonorité corsée dans la 40e Symphonie, alors que les autres vents et les cordes, plus lisses, s’alignent au côté « ancien », ce qui ne choque guère l’oreille avisée de (la plupart des) baroqueux. L’approche d’Alain Altinoglu n’est certes pas baroque, loin de là, elle se situe sur une longue lignée de la tradition romantique. Ceci est transparent notamment dans sa façon de modeler la dynamique et de traiter les nuances. Mais sur le plan dramaturgique, le chef d’opéra se fait largement reconnaître, en faisant chanter les mélodies comme la voix.
La voix, on l’entend aussi dans le hautbois de François Leleux. Le hautboïste montre le caractère classique, voire rococo, de la composition qui fait écho à Mozart. Avec lui, les phrasés et les harmonies parfois tortueux de R. Strauss deviennent un modèle de l’élégance. Son jeu si chantant et si fluide et le son légèrement nasal accentuent la grâce plus ou moins affirmée selon les moments. Il est ainsi réjouissant de voir et entendre cet instrument au-devant de la scène, l’instrument si célèbre (pour donner le la au début d’un concert symphonique) mais à la fois si méconnu !

Le festival se poursuit jusqu’au 14 juillet.
Renseignements et réservation est ici

photos © b.fz-fic ; © Florence Riou (box de déguistation)

 

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