[Live report] Sabine Devieilhe et Anne Le Bozec à l’Opéra de Lyon : tout un programme !
Après son dernier triomphe dans la prise de rôle de Mélisande à Tourcoing en avril, Sabine Devieilhe revenait à Lyon dimanche dernier pour un récital autour d’oeuvres de Zemlinski, Ravel et Roussel. L’occasion pour la soprano de retrouver la ville qui la vit en superbe Reine de la Nuit et en touchante Sœur Constance, deux opéras qui l’ont marquée selon ses propos lors de notre rencontre en janvier. Quoi de mieux pour commencer le mois de mai ?
Si Sabine Devieilhe excelle dans des œuvres connues, des “classiques”, si c’est toujours un plaisir de la voir incarner un personnage sur scène, elle sait également conquérir un public dans un récital et dans des œuvres plus ou moins inattendues : rappelons-nous son concert à la Philharmonie le 31 mars dernier durant lequel elle s’était frotter au répertoire contemporain.
Certes, les mélodies de Ravel ne sont pas les grandes inconnues de la soirée, mais les deux complices parviennent à nous les faire véritablement redécouvrir dans ce programme généreux. Non seulement les 31 chants assez brefs montrent bien que “lorsqu’on aime, on ne compte pas”, mais pianiste et chanteuse n’hésitent pas à prendre la parole pour parler au public. Nous sommes ici dans un esprit de transmission et de partage et l’on apprécie ces explications concernant le parcours proposé, permettant de comprendre les choix opérés d’une manière chaleureuse et didactique. On sent tout de même qu’Anne Le Bozec est moins habituée à faire résonner sa voix dans une grande salle, comme le souligne l’amusant “On n’entend rien là-haut!”. Outre l’amusement, cette intervention montre combien le public était à l’aise et intéressé.
N’allons cependant pas croire que la soprano s’arrête à des explications et à sortir des notes, aussi belles soient-elles : mise en scène ou non, elle continue d’interpréter et rend compréhensible le texte, y compris lorsque celui-ci est dans une langue étrangère que l’on ne maîtrise pas. Par son chant, elle nous traduit la partition pour la rendre accessible au plus grand nombre, connaisseurs ou profanes. Résonnent donc ici les paroles extraites du Manteau de fleurs de Ravel : “Tout est grâce, amour, pureté”.
Sabine Devieilhe n’est cependant pas la seule à briller lors de cette après-midi : Anne Le Bozec offre un jeu absolument merveilleux. Cette lauréate des premiers prix de piano, musique de chambre et accompagnement au Conservatoire National Supérieur de Paris offre un accompagnement fabuleux, léger, tout en nuance, appuyant et se mêlant à la voix tout en s’en distinguant. Un véritable écrin de velours pour un diamant cristallin du lyrique.
Ainsi, malgré un public n’accrochant pas forcément beaucoup avec le programme proposé, les deux complices parviennent à faire partager leur goût pour ce dernier, très ambitieux : une heure et demi sans entracte et sans aucune fatigue ressentie dans la salle. Rarement le temps sera passé si vite et l’on est presque surpris d’entendre déjà le bis, un air de Brahms tout en douceur auquel on s’accrocherait volontiers quelques instants de plus : on resterait bien encore un peu -voire beaucoup-, lovés que nous sommes dans ces notes que nous venons d’entendre.
© Caroline Doutre