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Festival de Pâques Aix en Provence : Renaud Capuçon et Igor Levit  sensationnels

Festival de Pâques Aix en Provence : Renaud Capuçon et Igor Levit sensationnels

07 April 2023 | PAR Hannah Starman

Ce 5 avril au Conservatoire Darius Milhaud, Renaud Capuçon au violon et Igor Levit au piano, nous offrent une fabuleuse interprétation de la fameuse Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck. Également au programme, la Sonate en fa mineur de Johann Sebastian Bach et la Sonate N°2 en mi mineur de Ferruccio Busoni. Le duo Capuçon-Levit déploie son talent prodigieux pour le plus grand bonheur du public aixois.

La révélation française Igor Levit

Renaud Capuçon, cofondateur et directeur artistique du Festival de Pâques qui fête cette année ses dix ans, est un visage familier et apprécié à Aix en Provence. En revanche, Igor Levit, le pianiste germano-russe, est encore peu connu en France, alors que son talent exceptionnel n’est plus à démontrer à l’international. Initié au piano dès l’âge de trois ans par sa mère, la pianiste russe Elena Levit, le virtuose de 36 ans est bénéficiaire du célèbre Gilmore Artist Award en 2018, titulaire de l’Ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne et lauréat de nombreux concours prestigieux, dont la médaille d’argent et trois autres récompenses au Concours international de piano Arthur Rubinstein à Tel Aviv en 2005 ainsi que le prix Beethoven Ring en 2017. Igor Levit est professeur de piano à École supérieure de musique d’Hanovre depuis 2019, l’année de son remarquable enregistrement de l’intégrale des sonates de Beethoven. Paru chez Sony Classical, le coffret-évènement est accueilli par la presse et le public comme un des projets phares marquant les 250 ans de Beethoven. Levit est nommé “l’instrumentaliste de l’année” par le Royal Philharmonic Society en 2019 et “l’artiste de l’année” par le Gramophone en 2020.

On ne peut que se réjouir de cette première collaboration française avec Renaud Capuçon qui révélera au public français celui que le New York Times célèbre déjà en 2017 comme “l’un des artistes essentiels de sa génération.” Le programme varié de sonates pour violon et piano permet à Renaud Capuçon et Igor Levit de déployer leur vaste palette sonore et émotionnelle pour le plus grand bonheur du public. Les deux musiciens livrent une interprétation captivante et audacieuse des œuvres célèbres, telles que la magistrale Sonate en fa majeur de Bach ou la Sonate de Franck, mais leur choix programmatique met également en valeur l’œuvre de Ferruccio Busoni, moins souvent proposée au public.

Le duo Capuçon-Levit engageant et convaincant 

La soirée ouvre devant une salle comble avec la Sonate en fa majeur de Bach. Renaud Capuçon, en costume noir et chemise blanche, est salué avec fierté comme un vieil ami. Igor Levit, vêtu de noir, s’installe au piano. La complicité entre les deux hommes est palpable et leur jeu sera parfaitement accordé tout au long de la soirée. Leur entente sera d’autant plus remarquable dans les passages fulgurants où ils taperont du pied à l’unisson, projetant une pulsation commune qui ne manquera pas de séduire le public. Capuçon, droit comme un piquet, se balançant sur une jambe au rythme de la musique, complète bien la silhouette longiligne voûtée au-dessus du piano de Levit.  De même, le jeu assuré et fin de Capuçon s’imbrique merveilleusement dans les interprétations de Levit, aussi téméraires et tranchées que ses prises de position politiques (anti-Trump, pro-Verts). Ces dernières lui ont déjà valu quelques menaces de mort, chose qu’il n’a nullement à craindre devant ce public conquis par ce duo de choc d’un charme à toute épreuve.

La re-découverte du “prophète” Ferruccio Busoni

La Sonate N2 est une des rares œuvres de musique de chambre de Ferruccio Busoni, pianiste virtuose, compositeur et penseur de la musique italien. Une des grandes figures progressistes de la scène musicale berlinoise du début du 20ème siècle, Busoni a joué un rôle majeur dans la construction d’une “musique de l’avenir”. Comme sa correspondance avec Arnold Schoenberg l’indique, la réflexion de fond de Busoni a préparé le terrain intellectuel pour la révolution atonale de Schoenberg. Aujourd’hui, il est malheureusement plus connu pour ses transcriptions pour piano des œuvres de Bach et de Liszt que pour son œuvre originale. L’inclusion de sa Sonate N2 dans le programme redonne à ce musicien phénoménal sa juste reconnaissance. La deuxième et dernière sonate pour le piano et le violon de Busoni, écrite entre 1898 et 1900, est une œuvre exploratoire et exigeante, composée de onze mouvements courts d’une grande finesse harmonique dont certains passages rappellent l’écriture des Sonates pour violon et piano de Brahms, mais aussi la Sonate pour piano N 30 de Beethoven. Au piano, Levit, analytique et d’une “vélocité très sûre,” pose le cadre formel, pendant que Capuçon au violon virevolte, brillant et conquérant.

Une magistrale Sonate pour violon et piano de Franck 

Après l’entracte, Renaud Capuçon et Igor Levit nous gratifient avec une magistrale interprétation de la Sonate pour violon et piano en la majeur, l’œuvre la plus jouée et la plus enregistrée de Franck. Écrite en été et créée à Bruxelles en décembre 1866, la Sonate pour violon et piano servira de modèle à Marcel Proust pour la fameuse Sonate de Vinteuil, l’œuvre imaginaire qui jouera un rôle important dans A la recherche du temps perdu. La Sonate se caractérise par une architecture élaborée de dialogue équilibré entre les deux instruments et une forme cyclique qui donne l’unité à un ensemble de nombreux thèmes variés. Rêveuse, énergique, mélancolique et fougueuse, l’interprétation de la Sonate en la majeur par Capuçon et Levit est d’une richesse poignante. La réception du public est univoque : c’est la meilleure réalisation de la Sonate en la majeur de Franck que la majorité des personnes présentes ait entendue de leur vivant. Le bis, l’Andante de la Sonate en la majeur de Brahms, parachèvera en beauté cette soirée exceptionnelle. 

Visuels : © CARO

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