Classique
L’éternelle jeunesse de Herbert Blomstedt avec l’Orchestre de Paris

L’éternelle jeunesse de Herbert Blomstedt avec l’Orchestre de Paris

08 April 2023 | PAR Victoria Okada

En ce début du printemps, l’Orchestre de Paris invite Herbert Blomstedt pour ses deux concerts mensuels. Le programme du 6 avril, à la Grande Salle Pierre-Boulez de la Philharmonie de Paris, est composé de deux symphonies de Schubert, la première et la dernière, où le chef nonagénaire déploie une étonnante jeunesse.

 

Pour commencer le concert, l’Orchestre de Paris est en petite formation pour la Symphonie n° 1 de Schubert. Le violon solo invité, Ji-Yoon Park, violon solo de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, entre sur scène, mais le siège à côté est vide. Quelque instant après, le maestro de 95 ans arrive à petits pas, appuyé sur le bras de Eiichi Chijiiwa, le deuxième violon solo. Il s’installe avec précaution sur un banc pour diriger assis. À son signe de main en un minimum de mouvement, la musique commence.

Héritage d’une tradition

L’acoustique de la salle offre une résonance inhabituellement riche pour ce petit effectif mozartien. Les cordes, suaves, lisses, homogènes et compactes, sont même perturbantes pour les oreilles qui, dès qu’il s’agit de ce genre de formation, se réfèrent presque systématiquement à une sonorité baroque, plus près, plus nue et plus organique. Quelques minutes après le début de l’« Allegro vivace » initial, soudain, un souvenir sonore revient à l’esprit : les dernières Symphonies de Mozart par le Philharmonie de Berlin dirigé par Karl Böhm ! En effet, Herbert Blomstedt donne à l’Orchestre de Paris cette sonorité germanique des années 1970, mais plus ronde et plus légère. À cet instant, nous réalisons, non sans profonde émotion, que nous sommes en train d’assister à un véritable héritage esthétique d’une époque, à un témoignage d’une grande tradition. La largeur du mouvement lent et la générosité du menuet confirment ce sentiment. Mais arrivé au final, un nouvel étonnement s’empare de nous. Dans un tempo allant, ce dernier mouvement se transforme en une incarnation de la jeunesse, frais à volonté. Un basculement impressionnant nous ramène au présent, non, à l’universel, car cette jeunesse que nous montre le doyen de la baguette est atemporelle.

Exploration de la fraîcheur

Avec « La Grande », dans la deuxième partie de la soirée, Blomstedt continue l’exploration de la fraîcheur. Au début de l’œuvre, le cor d’une incroyable douceur fait augurer la splendeur de ce qui va suivre. Au fil des quatre mouvements, la musique ne cesse de mouvoir, avec une pulsation vitale tantôt audible, tantôt latente. Sans grandiloquence, tout est idéalement mis en place, de manière absolument naturelle. Comme dans la première partie, le chef donne juste de grandes lignes, tel un peintre qui dessine une ligne avec des déplacements fluides du bras et de la main. Cette chorégraphie élégante, limitée dans l’espace et dans les mouvements, exprime cependant tout un monde. Les musiciens lui répondent parfaitement, leur esprit étant entièrement connecté à la pensée du chef. L’acoustique de la salle est mieux adaptée à l’effectif élargi de l’orchestre. Chaque pupitre laisse son emprunte dans l’interprétation, l’affirmation de solo est toujours très juste, apportant leur part de fraîcheur.

Une fois l’œuvre terminée, le chef fait se lever les membres de l’orchestre, en applaudissant énergiquement à leur adresse, puis, toujours assis sur son banc, fait signe à tout le monde de se rasseoir pour mettre chaque pupitre à l’honneur. Et c’est seulement après ces saluts individuels qu’il demande le bras de Ji-Yoon Park pour quitter son siège et pour se retourner vers le public. Une ovation debout et des bravos fusent. Visiblement content, il arbore un grand sourire, comme un enfant.
Il se retire dans les coulisses, les musiciens aussi. Nous avons alors vu la partition posée sur le pupitre placé devant lui. À en juger par sa position, elle semble n’avoir jamais été ouverte.

Photo © Martin Lengemann

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Victoria Okada

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