Concerts a cappella au Festival Passion à l’Abbaye de Fontevraud

Dans le cadre du 36e Festival de musique sacrée « Passion » à l’Abbaye de Fontevraud, deux concerts a cappella nous ont permis de parcourir des siècles de musique, offrant des moments de méditation et de contemplation.

« D’une terre à l’autre » par Les Itinérantes

Trois jeunes femmes des Itinérantes, libres d’esprit, Manon Cousin, Pauline Langlois de Swarte et Élodie Pont, refusent de se cantonner dans un carcan traditionnel qui entraverait leur pleine expression. Ainsi, elles naviguent dans le temps, abordant tous les genres de manière transversale, allant du chant religieux et mystique du Moyen Âge (Hildegarde de Bingen) jusqu’à La Reine du cœur de Francis Poulenc ou encore à Ice Dance, extrait du film Edward’s Scissorhands de Dany Elfman. Sur le chemin, elles s’arrêtent à un chant traditionnel norvégien ou à des compositions et arrangements de Manon Cousin et Pauline Langlois de Swarte. Elles multiplient leurs talents sur le plan technique également, avec la pureté de chant médiéval, la voix de poitrine et de gorge pour certains chants traditionnels ou encore la projection proche de pop music. Ce faisant, elles reviennent souvent à quelque chose qui rappelle le primitivisme, des éléments qui auraient dû être présents dès l’origine du chant. Parmi eux, micro-intervalle, technique binaurale et autres éléments souvent orientaux ou orientalisants. Tout cela est ponctué de spatialisation ; elles se déplacent dans la nef, en changeant de disposition entre elles. Pour marquer le rythme, certaines pièces sont accompagnées de tambours. Sous une acoustique plus qu’idéale du réfectoire fondé au XIe siècle et agrandi au XVIe, leurs voix nous amènent ainsi dans un voyage méditatif, en nous faisant plonger dans une atmosphère qui semble être une porte ouverte à l’infini.

A Whisper of paradise » par l’ensemble vocal Anúna

Fondé en 1987 par le compositeur dublinois Michael McGlynn, l’ensemble Anúna fait revivre les chants médiévaux d’Irlande et des chants traditionnels qu’il arrange. Les 6 chanteurs et 7 chanteuses, dont les trois des Itinérants précédemment entendus, interprètent a cappella eux aussi dans des effectifs différents : chœur masculin, féminin ou mixte, soli, soli et chœur… Les compositions et arrangements de Michael McGlynn sont souvent caractérisés par des micro-intervalles et par des glissandi. Est-ce sa marque ou reprend-il un élément existant dans des chants traditionnels ? Certaines pièces sont parsemées de dissonances, mais ce sont de subtiles notes de passages (en micro-intervalles elles aussi) qui résolvent harmonieusement. En tout cas, tout cela crée un effet étrange, une sorte de flottement spatial, un peu à l’image des astronautes qui nagent dans une atmosphère non gravitationnelle… Et cela nous emmène loin, comme le concert précédent, dans le temps et dans l’espace. Parfois, nous sommes surpris par un dynamisme proche de musique pop ou par des polyphonies rythmiques plus ou moins prononcées (Heia Viri, One last song, Pie Jesus…)
Toutes les femmes chantent avec une bougie à la main, les bras toujours pliés. Que ce soit dans des lumières sombres bleues ou vertes ou dans celles rouge vif, les lueurs de bougies donnent une note de chaleur, symbolisant le souffle de la vie. Les textes en latin, en anglais moderne et en langue autochtones des îles participent à cette atmosphère hors quotidienne pour nous, le public français.
Les chanteurs semblent posséder des bases techniques différentes, mais cette variété fait indubitablement leur richesse, un exemple de beau mélange qui perdure depuis des millénaires…

Visuels : © Kreazim