Classique
Un concert symphonique inspiré par le dessin et la poésie.

Un concert symphonique inspiré par le dessin et la poésie.

24 April 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

 

Le 20 et 21 avril 2023, à la Philharmonie, l’orchestre de Paris interprète Tuxedo: Vasco de Gama d’Hannah Kendall, la symphonie N°2 «The Age of Anxiety» de Léonard Bernstein et la symphonie N° 3 «Eroica» de Ludwig van Beethoven. L’orchestre de Paris est dirigé par la cheffe américaine Marin Alsop. Le pianiste français David Fray joue comme soliste dans la symphonie de L. Bernstein.

L’hommage à J. M. Basquiat

Mettre en relation le dessin, l’écriture, la poésie avec la musique, tel est le fil conducteur de ce concert. L’œuvre de la compositrice britannique Hannah Kendall: Tuxedo Vasco de Gama est inspirée par le Tuxedo de Jean Michel Basquiat. C’est une série de dessins, d’écrits manuels, et de hiéroglyphes créés en 1983, consacrés au multiculturalisme. Le choix de la Symphonie N°3 de Beethoven n’est pas un hasard : «Eroica» est une œuvre de J.M. Basquiat qui fait expressément référence à la Marche Funèbre de Beethoven . Il partageait avec le compositeur son ressentiment vis à vis de Bonaparte, qui a rétabli l’esclavage dans l’île d’Haïti dont est originaire la famille du dessinateur. Une exposition est consacrée à J.M. Basquiat au Musée de la Cité de la Musique du 6 avril au 30 Juillet 2023.
Léonard Bernstein s’est inspiré, pour sa deuxième symphonie, du poème de W.H. «The âge of Anxiety» . Son auteur recevra le prix Pulitzer en 1947 pour ce long poème qui sera perçu comme l’incarnation de l’inquiétude des Américains au début de la guerre froide. L. Bernstein sera fasciné par ce poème et sa deuxième symphonie sera créée le 8 avril 1949 à Boston.
Fondé en 1967, l’orchestre de Paris est l’orchestre permanent de la Philharmonie. Fort de ses 119 musiciens, il est la première formation symphonique de France. Il est dirigé ce soir par Marin Alsop. Elle est cheffe principale du Symphonique de la radio de Vienne. Ce soir, elle dirige l’orchestre avec énergie, dynamisme, précision.
Tuxedo d’Hannah Kendall est une œuvre très brève, cinq minutes seulement, créée en 2020. Une œuvre dissonante parfois, volontiers mélodieuse, en particulier lors du solo de violon, tourmentée souvent. Puis, nous entendons une boîte à musique qui diffuse la transcription de Wade in the Water le chant des esclaves fuyant par la rivière. Le calme revient ensuite, les cordes sont doucement plaintives, comme si la rivière avait retrouvé sa quiétude.

Une œuvre fascinante

La Symphonie N°2 de Bernstein est une œuvre très originale. Par sa structure d’abord: comme le poème, elle comprend deux parties et six épisodes. Le compositeur emprunte à tous les styles : au romantisme , mais aussi au jazz , à la comédie musicale, à la musique de film. Le piano y tient une grande place, en faisant une symphonie concertante pour piano et orchestre.
Tout débute par un duo de clarinettes. Très doux, très beau, l’auditeur retient son souffle. Puis le piano joue seul, un moment de recueillement, d’interrogation. L’orchestre et le pianiste se répondent , dans une symbiose parfaite. Les variations se succèdent avec de remarquables duos: le piano est tour à tour accompagné par la harpe, les cordes pincées, les trompettes. «The Dirge» est une marche funèbre, d’inspiration romantique qui met en valeur la sensibilité, l’expressivité du jeu de David Fray. Le piano commence seul, sombre, mystérieux puis rejoint par les cors. La musique prend de l’ampleur, les accents de l’orchestre sont puissants, tragiques, les percussions renforcent la dimension dramatique. Avec «The Masque», l’ambiance change radicalement. C’est un long solo de piano, festif, soutenu par les percussions et le xylophone. Les rythmes sont envoûtants, l’influence du Jazz patente. La virtuosité du pianiste est frappante. L’épilogue est une musique spectaculaire, hollywoodienne. Le piano peut être narratif, ses solos méditatifs, mais l’orchestre est puissant, solennel, majestueux. Le pianiste jette ses dernières notes et les percussions concluent l’œuvre. Une œuvre qui n’exprime pas seulement l’anxiété, mais aussi le dynamisme, la joie de vivre de l’Amérique d’après-guerre.

L’homme face à son destin

«Je veux suivre une voix nouvelle. L’invention est angoisse et volonté, elle ne peut être conventionnelle». Ainsi se serait exprimé Beethoven. Composée entre 1802 et 1804, la troisième symphonie est révolutionnaire pour l’époque, ouvrant la voie à la musique romantique. Initialement dédiée à Bonaparte, Beethoven déchira la dédicace quand le premier consul devint empereur. Le titre définitif est explicite, «Symphonie Héroïque pour célébrer le souvenir d’un grand homme». L’interprétation de Marin Alsop est enlevée, colorée, mettant en valeur les contrastes. Elle impulse à l’œuvre un souffle, une grande énergie.
Deux accords, un premier thème, un second qui va être développé à l’infini. Le premier mouvement est grandiose, brillant, fougueux. Très contrasté aussi, les accords plaqués succédant aux moments mélodieux. Les accents de l’orchestre sont spectaculaires, évoquant l’homme confronté au destin.
«Marcia funebre», l’adagio est célèbre. La mélodie est exposée par les violons puis les hautbois. Une mélodie très belle, très pure, à la fois émouvante et majestueuse. Avant de grands élans romantiques portés par la totalité de l’orchestre.
Le Scherzo débute par un murmure, un bourdonnement précipité des cordes. Ce mouvement est vif, joyeux, malicieux, aussi. La puissance de l’orchestre se déploie ensuite, renforcée par les trombones.
Le début de l’allegro molto final est vertigineux. Les contrastes sont frappants comme lors du premier mouvement, le solo de hautbois fait suite à une marche héroïque avec un crescendo de l’orchestre. Un tourbillon étourdissant précède les accords finaux. Cette symphonie a une puissance sonore, mais aussi émotionnelle inégalée jusqu’alors. On comprend que les symphonies de Beethoven resteront un modèle pour tous les compositeurs du 19? siècle.
Un programme varié, des œuvres remarquables, nous avons assisté à un très beau concert symphonique.

Visuel:© JMC

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Jean-Marie Chamouard

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