Danse
L’Ambiguous Dance Company met la Maison de la Danse de Lyon sens dessus dessous !

L’Ambiguous Dance Company met la Maison de la Danse de Lyon sens dessus dessous !

07 April 2023 | PAR Eleonore Carbajo

Dès ce soir et pour trois jours, La Villette accueille la compagnie sud-coréenne Ambiguous Dance Company, pour un Body Concert aussi dynamique que subversif ! Nous avons eu la chance de voir la pièce à La Maison de la Danse de Lyon ce mardi 4 avril 2023.

En rappel du contexte social et des mobilisations contre la réforme des retraites, impactant de plein fouet le monde de la culture et du spectacle, le personnel de la Maison de la Danse a tenu à faire un discours en amont de la représentation, armé de mots bien choisis et d’une banderole équivoque, sous les applaudissements du public. Après de brefs remerciements aux artistes présents ce jour, place à la danse !

Bouleverser les genres

Lever de rideau, entrée en scène traditionnelle rompant progressivement avec l’obscurité qui baigne dans la salle remplie ? Rien de tel pour cette compagnie qui se joue des codes, des attentes et des genres avec brio !

Dans la salle plongée dans le noir, les basses d’une musique électro réveillent un public déjà sur le qui-vive, prêt à livrer autant d’énergie dans la contemplation de la performance, que n’en livrent les danseurs dans leurs mouvements. Les sept danseurs se pressent sur l’avant-scène et dans des endroits stratégiques du public, rompant définitivement la distance instaurée avec les spectateurs, ébahis de cette entrée en scène pour le moins jubilatoire. Côté costumes, rien qui ne puisse laisser indifférent : une créature toute de verte vêtue se presse parmi les six autres interprètes, assortis de leurs chaussettes à l’étincelante couleur du costume de l’intrus.

D’un bond, tous montent sur scène pour investir l’espace scénique avec grandiose, précision et humour. Les jeux de lumières participent de beaucoup à la création chorégraphique, signée Boram Kim, chorégraphe et créateur de l’Ambiguous Dance Company depuis 2007. À partir d’une playlist rigoureusement pensée et parfaitement cohérente, l’ambition est d’harmoniser musique et danse, en donnant toujours le premier pas au son, moteur du mouvement. Un pari réussi qui donne à la musique, bien plus que simple métronome, une essence qui participe du geste, de l’adn de la chorégraphie. De Lascia Ch’io Pianga de Sarah Brightman, à Beyonce ft. Jay-Z, en passant par les Daft Punk, le choix est délibérément ouvert à la modernité, à l’inattendu, et à l’énergie. On ne décèle finalement plus très bien si la musique impulse les mouvements ou si le geste chorégraphique impulse les basses et mélodies de chacune des musiques tant le résultat est réussi, le tout dans une synchronisation à toute épreuve ! A mi-chemin entre hip hop, ballet classique, raves techno et danse contemporaine, ce n’est pas une mais une myriade de facettes de la danse qu’offre la compagnie.

Démystifier la difficulté avec humour et humilité

L’équilibre entre divertissement et talent est bel et bien présent : si l’humour est au rendez-vous de ce Body Concert où chaque interprète porte des lunettes de piscine ne permettant pas de déceler à proprement parler les traits du visage, toute l’intention est portée sur la chorégraphie millimétrée et l’interprétation simultanée de chacun des danseurs et danseuses. Rien d’étonnant que ce spectacle ait fait tourner les têtes des spectateurs comme des programmateurs, tant son style éclectique ne peut que plaire au plus grand monde. Amateur de technique, de talent et de travail, vous serez charmé par cette interprétation si juste et si bien exécutée par les danseurs. Concernant les spectateurs avides de passer un bon moment, aussi drôle qu’impressionnant, ce spectacle est fait pour vous.

À la croisée des attentes, tout comme à la croisée des genres, l’Ambiguous Dance Company porte bien son nom et ne se lasse d’abolir les frontières entre les styles, les techniques et les ambiances. En dix actes ramassés sur eux-mêmes dans lesquels chaque interprète participe tout autant à la cohérence du groupe qu’à la maitrise de solos et passages sur le devant de la scène, le public voyage dans un monde loufoque où ambition chorégraphique rime avec cocasserie et sensationnel !

Un ressort comique important de la performance repose sur l’absence de filtre entre les interprètes et le public, notamment dans le rapport à la difficulté d’une telle entreprise technique. L’intensité de la musique, les sourires sincères certes, mais automatiques des danseurs sont un régal à contempler. Mais quand la musique s’éteint brusquement, et que les corps tendus et empreint d’efforts se relâchent, c’est à travers l’humour que s’en dégage la difficulté de ce sport ; des râles audibles et le rythme saccadé, essoufflé de chacun se font entendre, comme piqure de rappel de la grandiosité technique de ce qui s’offre sous les yeux ébahis d’un spectateur bel et bien conquis aussi bien par la proposition que par son interprétation.

C’est donc l’humilité des sept danseurs sur scène que l’on retiendra de cette soirée sensationnelle, profitant d’abolir sans cesse un peu plus la distance entre le public et les artistes. D’une générosité aussi simple que naturelle, les rappels se succèdent sans se ressembler du fait des improvisations sur scène de chacun des danseurs, un à un, dans des acrobaties aussi délirantes qu’impressionnantes. Le tout sous les acclamations d’un public debout, claquant des manques et se risquant presque à quelques pas de danse ; le pari de communiquer de l’enthousiasme à travers cette chorégraphie déjantée est largement rempli !

Visuel :© L’Ambiguous Dance Company

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Eleonore Carbajo

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