[Interview] : Dick Annegarn : “On est deux est une chanson intemporelle”
En concert au Bataclan le 18 mai prochain, Dick Annegarn a sorti, en novembre 2016, son dernier album intitulé Twist, dans lequel on retrouve le chanteur français Raphaël, sur le titre On est deux. En exclusivité, TouteLaCulture vous dévoile le clip mettant en image cette collaboration. Le Néerlandais revient sur l’histoire de ce duo et de sa mise en images.
Racontez-nous votre vision de cette live-session que l’on pourrait qualifier d’intimiste.
Dick Annegarn : C’est plus un making-of qu’un clip. Il montre un chantier, un atelier. Tout a été fait en live. Il n’y a pas de “rerecording”. Quand je me vois dans le clip, je m’aperçois que je suis pieds nus, que je ne suis pas rasé. Raphaël, lui, est venu en toute décontraction. Il n’y a pas de mise en scène. On a juste l’amitié et le sens musical pour animer une séance. Ça ne se passe pas la nuit, nous ne sommes pas défoncés. Raphaël, il ne vend plus un million de disques et moi je n’en ai jamais vendu. On nous aurait payé un voyage en Arizona pour enregistrer un clip là-bas, je ne suis pas sûr que ça nous aurait convenu. Aujourd’hui, on nous retrouve là, dans une situation d’artistes qui ont des fortunes variables on va dire. C’est juste un studio, des instruments. Une situation de travail.
Pourquoi avoir choisi Raphaël pour interpréter cette chanson ?
D.A : Il a le malheur d’être un fils de bourgeois, comme Renaud d’ailleurs. Ce sont des gens qui empruntent une attitude de solidarité contre les fascismes, mais qui manquent de crédibilité à partir du moment où ils ont le malheur d’être nés riches. À ce moment-là, on ne les entend plus. Même si Renaud s’entend un peu plus que Raphaël. Ce dernier a pourtant fait des chansons virulentes. Je suis ami avec lui parce qu’il me semble sincère, c’est un auteur et un citoyen très sensible à la misère du monde, même s’il a le malheur d’être riche. Je dis bien malheur dans la mesure où l’on accuse facilement les gens qui ont de l’argent d’être des voleurs. Ce qui n’est pas le cas. Raphaël travaille ardemment, il a beaucoup de respect pour les autres artistes. Claude Nougaro est un fils de chanteur d’opéra, ce n’est pas un fils de misérable. Il était très solidaire, très ami avec les artistes. Raphaël soutient des associations et causes dans l’ombre, c’est mon cas. Il fait partie de ces artistes qui soutiennent des associations et qui n’ont pas l’exposition qu’ils méritent vraiment.
Vous vous retrouvez un peu en Raphaël, en somme ?
D.A : Oui. C’est un bosseur qui est modeste. Je me sens solidaire de ça. Il était venu à La Maroquinerie à un festival de blues pour chanter Black girl avec moi. C’est une amitié réelle, pas intéressée. Je lui ai d’ailleurs dit un jour que je ne suis pas Verlaine et lui n’est pas Rimbaud, mais nous avons une amitié et un engagement qui prennent des allures poétiques on va dire. On a chanté On est deux, à l’Olympia, avant même qu’elle ne soit enregistrée. Il n’y a pas la moindre image de cette interprétation.
À l’écoute des paroles de cette chanson, on perçoit beaucoup de références aux attentats terroristes perpétrés dans le monde.
D.A : Je suis né en 1952, des attentats, j’en ai connu toute ma vie. Cette chanson ne fait pas uniquement référence à ceux de Paris ou de Bruxelles. J’ai « vécus » ceux des Tueries du Brabant, dans les années 1970, Action directe, les attentats d’Anders Breivik et autres fous… On appelle ça la stratégie de la tension. Elle est quasiment permanente. Ce n’est pas seulement le fait des attentats du Bataclan. La chanson fait référence aux attentats, mais c’est surtout une chanson sur l’amitié en temps de crise, qui est désormais permanent. Bob Dylan appelle ça Shelter from the storm (Refuge contre la tempête NDLR). C’est une chanson intemporelle.
Visuel : DR