Ascensions, les résistances debout de Babx
Après les attentats de janvier 2015, Babx a pensé des textes et un monde. Puis il y a eu le Bataclan. Quelques jours après les commémorations qui marquent aujourd’hui les deux ans du massacre, il sera sur la scène de la Cigale, le 27 novembre. A cette occasion, il a pris les rênes de la rédaction de Toute La Culture en nous proposant un angle : la relève. Alors, que dit ce chef-d’oeuvre qu’est Ascensions, de ce geste qui nous impose, à tous, de rester verticaux ?
“Je te condamne à l’amour”
Ascensions nous raconte l’histoire d’Omaya, qui “repose sous le mandarinier”. Le poète pianiste aux accents gainsbouriens se repose lui sur un drame. Omaya Al-Jbara était irakienne et a combattu contre daesh. Elle est morte assassinée sous leurs balles le 22 juin 2014. Si l’album pensé et écrit à la façon d’un spectacle s’ouvre sur le planant et instrumental, “Omaya, Pt. 1”, très vite la voix arrive, mais attention, pas avec des mots, nous sommes dans l’indicible. C’est la danseuse et chorégraphe Dorothée Munyaneza qui devient ici vocaliste pour offrir le chant de la terre, “Omaya, Pt. 2.” Elle était déjà présente sur “Naomi aime” en 2013,
Babx fait dialoguer, dans ses mots et sa voix qui en fait l’héritier de Bashung, la nostalgie et le futur. Il convoque Dieu avec un délicieux mépris : ( “Psaume” ) :
Dieu aime les nouveaux amortisseurs de sa Porsche Cayenne,
Dieu aime les nouveaux amortisseurs de sa Porsche Cayenne,
Loin de la fureur, loin du bruit,
Et seul, s’enfuit
Hi, hi, hi
Et, plus loin, dans “L’homme de Tripoli”, on apprend que “l’odeur du sang sentait le laurier et la rose”. Ici, dans ce monde détruit, même les morts pensent, ils volent même.
Alors, quand arrive cette nouvelle version de la résistance qu’est la relève ?
On l’a dit, il faut écouter Ascensions comme on regarde une pièce de théâtre, la réponse vient donc au troisième acte. Ou alors, on se trompe, et tout n’est qu’une boucle qui devrait recommencer, mais en allant vers le mieux.
Tout est parfait ici, le piano étouffé à la façon seventies et les collaborations pertinentes, avec Dorothée Munyaneza, Archie Shepp, Supersonic & Mujahid Hajana disent tous la modernité de l’affaire. A la première écoute on pourrait se planter et voir l’auteur de Cristal Ballroom comme un passéiste. Alors, encore plus de se lever, Babx nous demande danser, en lui accordant un “Tango” ou de grimper “Là-haut, là où dorment les cimes, pour qu’on s’aime”
Elle est là sa réponse, futile et évidente. Danser, regarder vers le haut, simplement : s’aimer.
Et c’est lui qui le dit, dans ses mots :
” « Après le 13 Novembre il a fallu tout arrêter. Puis tout recommencer. Vite. Chercher et retrouver la pulsation de Vie. Écrire. Gravir. Chanter. Pour résister au froid. Pour Résister, au fond. Ce disque n’est qu’une trace de vie -parmi tant d’autres- qui revient à elle-même, sonnée mais obstinée. Avec dedans les voix, les sons, l’évocation de mes amis, de mes amours, de mes héros, de musiciens, de gens, vivants ou disparus, mais LIBRES. Sonner. Sonner. Sonner. Jouer à la musique comme on joue à Zorro. Défier Dieu avec des pistolets à bouchon. Mais ne pas se laisser faire. Ne pas « LE » laisser faire. Reprendre là où l’on a commencé. A la Vie. » Babx “
Babx, à la Cigale, le 27 novembre à 19h30, 28€, réservations en suivant ce lien.
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Crédits Photo : Larry Racioppo