Musique
Après-midi espagnol à la Salle Pleyel

Après-midi espagnol à la Salle Pleyel

Pour la célébration du 150ème anniversaire de la naissance de Claude Debussy, la Salle Pleyel offrait ce dimanche 13 mai l’occasion pour l’Orchestre National d’Île de France d’un hommage au compositeur, sous la direction d’Enrico Mazzola et accompagné du piano d’Alexandre Tharaud.

C’est un programme très équilibré que proposait, dimanche dernier, le chef de l’orchestre national d’Île de France Enrico Mazzola, à la Salle Pleyel. Au travers de l’Iberia rêvée et lointaine de Debussy, puis de l’Espagne connue par Turina et Falla, Mazzola nous montre une Andalousie toujours plus  exotique et imaginée.

Le concert commence par l’exécution parfaitement maîtrisée du volet central du triptyque des Images pour orchestre de Debussy, Iberia : composé entre 1905 et 1908 pour un orchestre assez hétéroclite, ce sont tous les lieux communs de l’Espagne réunis en trois mouvements aux titres déjà évocateurs (« Par les rues et par les chemins », « Les Parfums de la nuit », « Le Matin d’un jour de fête »). De l’ouverture engagée aux cordes et castagnettes jusqu’aux cuivres du matin de fête, Debussy offre à revivre l’atmosphère si particulière d’une Andalousie rêvée par les derniers romantiques, qu’il s’agisse du Carmen de Mérimée ou de sa reprise dans l’opéra-comique de Bizet, des Nuits espagnoles de Massenet (plus tardives) ou plus avant des Folies d’Espagne, véritable genre musical au XVIIIème siècle. Debussy donne un concentré des images de cette terre encore lointaine qu’est l’Espagne ; une terre qui en fait de réalité n’est que le reflet de tous les songes bien français sur la chaleur espagnole, les guitares sous les fenêtres, les promenades à l’Alhambra, les rues solitaires sans ombre, des après-midi à chercher l’ombre d’un oranger, et des soirées passées dans les fanfares.

Manuel de Falla donne alors le contrepoint à cette vision : ses Nuits dans les jardins d’Espagne sont plus tourmentées, empruntes d’un mystère plus authentique : le Generalife est le théâtre de scènes sombres, rendues par le piano frénétique d’Alexandre Tharaud ; le visiteur nocturne se perd avec lui dans un monument qui l’aspire. En somme, il ne s’agit plus ici d’un concerto : le piano, image de ce voyageur, est partie intégrante de l’orchestre – il se laisse envahir, réagit parfois à l’ambiance lourde pour aller ensuite vers l’unisson grandiose de la Danse lointaine, deuxième mouvement. C’est ici toute la force du tandem Mazzola – Tharaud : avoir réussi à concilier deux tempéraments, à faire jouer deux caractères, au sens propre du terme, car l’Espagne de Falla est celle de l’expression des caractères, tantôt l’un contre l’autre, en répondant et en réaction, tantôt ensemble et comme d’un même mouvement, d’un même cœur. Enrico Mazzola nous montre une Espagne contre l’Iberia de Debussy – tout en contraste et en caractère, donnant de la profondeur à nos nuits trop françaises.

Nous comprenons, avec la suite du programme, que tout l’intérêt ne tient pas seulement à ce dialogue entre Français et Espagnols autours de l’andalucía, mais bien plutôt le jeu qui s’est noué par cette image de l’Espagne autour de Debussy. Rappelons à ce propos que Manuel de Falla insère au cœur de ses Nuits dans les jardins d’Espagne un « Tombeau à Claude Debussy », hommage à un rêve. Turina nourrit sa musique, et c’est particulièrement visible dans sa Symphonie sévillane, de notes proches celles de son maître français et de Ravel (lequel composa une Symphonie espagnole). On se prend à penser à une véritable communauté rendue dans la musique, et deux rêves en regard, ou en reflet : l’Iberia française et la Francia espagnole.

Programme:

 

Claude Debussy
Iberia (1905,1908)
1- Par les rues et par les chemins
2- Les parfums de la nuit
3- Le matin d’un jour de fête

Manuel De Falla
Nuits dans les jardins d’Espagne, Impressions symphoniques pour piano et orchestre (1909,1915)
1- En la Generalife
2- Danza lejana
3- En los jardines de la sierra de Cordoba

Claude Debussy & Michael Jarrell
Trois études (1992)
1- Pour les sonorités opposées
2- Pour les notes répétées
3- Pour les accords

Joaquin Turina
Sinfonia sevillana Op.23 (1920)
1- Panorama
2- Por el rio Guadalquivir
3- Fiesta en San Juan de Aznalfarache

Alexandre Tharaud, Piano
Orchestre National d’Île-de-France
Enrique Mazzola, Direction

Crédits photo :

Enrique Mazzola © Photo Giancarlo Pastonchi

Alexandre Tharaud © Marco Borggreve

Enrique Mazzola © Photo Martin Sigmund

 

 

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