« Vernon Subutex 2 » : Despentes confirme
Ils étaient nombreux, les lecteurs devenus accros aux histoires de Vernon Subutex, qui attendaient leur nouvelle dose de réalité injectée par Virginie Despentes…. Le volume 2 sort enfin, et la parution du 3e tome est prévue pour janvier 2016.
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C’est un peu tremblants qu’on a ouvert les premières pages de Vernon Subutex 2 : Virginie Despentes allait-elle réussir à retrouver les sommets atteints dans Vernon Subutex 1, salué par une presse unanime et couronné par les prix Anaïs-Nin, Landerneau et de La Coupole ?
Après un savoureux “index des personnages apparus dans le premier tome”, on entre de plain pied dans la nouvelle vie de Vernon, désormais SDF à plein temps. Avouons-le d’emblée, nous avons d’abord craint la déception. Ce qui fonctionnait si bien dans le tome 1, cette empathie de tous les instants, semblait plus difficile à reproduire dans la peau d’un SDF. Car si la vie dans les grandes métropoles permet de croiser des personnages de tout crin, le quotidien des SDF reste littéralement en marge – difficilement dicible, en tous les cas. Despentes s’en sort en prêtant quelques absences à son antihéros.
Le second mouvement qui voit tous les personnages se retrouver de façon informelle autour de lui aux Buttes-Chaumont peine dans un premier temps à convaincre. Le lecteur confortablement installé en nous résiste, en manque de sa dose de réel injectée à chaque personnage du premier tome. Mais l’auteure étiquetée “provoc” a plus d’un tour – et du savoir-faire – dans son sac : peu à peu, les personnages reprennent corps, sous ce nouvel éclairage, dans une situation peut-être moins plausible mais d’autant plus romanesque. La plume affûtée au punk rock de Despentes s’impose.
Plus politique, cet opus ? Tout dépend de ce qu’on entend par là. Au plus près de ses personnages, donc politique par essence, sans doute, mais sans autre programme que le constat qui brûle : Virginie Despentes regarde ses contemporains dans les yeux, et c’est déjà beaucoup.
Mais là où elle excelle, c’est à traduire l’effet de la musique sur ses auditeurs, réinventant des bandes sons improbables, où les sessions DJ d’un Vernon Subutex plus tout à fait lui-même, dans le sous-sol du Rosa Bonheur, nous ravissent sans ambages. Dans la seconde partie du volume, le dispositif rejoint celui du premier : nous sommes embarqués dans le système de pensée de chacun des personnages les uns après les autres, et c’est sous ce prisme que nous sommes invités à nous glisser dans la peau de notre prochain.
Et au bout du compte ? Nous refermons le livre épuisés, l’attente du volume 3 chevillée au corps…
“Subutex met Magic Bus, des Who, et Loïc sent une balle de chaleur qui lui réchauffe la gorge. Il adore ce morceau. Il n’aurait pas osé imaginer qu’il commencerait sa playlist de la sorte. Génial. Il n’est pas une loser de merde qui passe une soirée pathétique avec des potes au rabais – il est le mec qui fait rire Pamela Kant, dans un bar où on passe de la bonne musique, à un niveau correct, et il s’aperçoit qu’autour de lui plusieurs fument. Il s’allume une clope. Le bien que ça fait, de fumer dans un bar. Première bonne soirée depuis des lustres.” p. 327
Vernon Subutex 2, Virginie Despentes, Grasset, 400p., 19,90€. Sorti le 10 juin 2015.
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