
« Otages intimes » de Jeanne Benameur : l’écriture captive
Romancière établie et animatrice d’ateliers d’écriture, Jeanne Benameur nous revient au cœur de l’été avec un roman au titre à susurrer : Otages intimes.
[rating=3]
Tout roman doit répondre pour l’auteure à une quête intime. Ici, nous confie-t-elle, “le questionnement était : quelle part de nous est toujours prise en otage ?”. S’appuyant sur l’histoire d’Étienne, photographe de guerre pris en otage, libéré dans les premières pages, Jeanne Benameur tisse patiemment le retour à la vie de son héros abîmé et sa lente reconstruction psychique et physique.
Le corps a toujours eu son importance, chez Benameur (comme dans son précédent roman, Profanes), et c’est bien en écoutant ses moindres ressacs intérieurs qu’Etienne va pouvoir envisager de reprendre le cours de sa vie, auprès de ses compagnons d’enfance, Enzo et Jofranka. Mais à mesure que la clarté se fait en lui, c’est le voile d’obscurité de chacun des êtres sensibles auxquels il se frotte qui se donne à voir – leur part d’otage.
Une part d’enfance enfouie, sans doute, mais aussi les compromissions ou regrets sur lesquels il a bien fallu passer pour avancer. Dans une écriture à la fois sensible et organique, l’auteure prend le temps de décortiquer ces affects tout en laissant leur part de mystère à ses personnages, comme Irène, la mère du photographe.
Quelques tics d’écriture peuvent irriter, notamment cette suppression relativement systématique de la ponctuation quand rien ne le justifie, mais la délicatesse et la justesse priment.
“L’homme qu’est son fils aujourd’hui a touché la mort, au fond de lui. Maintenant elle peut laisser tomber tous les masques qu’elle a portés pour rassurer. Il connaît la seule vérité : le pouvoir des mères est dérisoire devant la mort.” p. 59
Otages intimes, Jeanne Benameur, Actes Sud, 208 p.,18,80€ ou 13,99€ en version numérique. Sortie le 19 août 2015.
visuel : couverture du livre