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“Ne nous libérez pas, on s’en charge”: une riche sociohistoire des féminismes

“Ne nous libérez pas, on s’en charge”: une riche sociohistoire des féminismes

28 August 2020 | PAR Chloé Hubert

“Ne nous libérez pas, on s’en charge”, coécrit par les historiennes Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel et publié à La Découverte, retrace une histoire des féminismes de la Révolution française à nos jours. Un livre très riche qui inscrit le féminisme post #metoo dans l’histoire.

« Tout au long de l’écriture, ce souffle de révolte nous a portées sans étreindre le soucis de véracité historique, mais en espérant que ce livre, grâce à la connaissance du passé, participe pleinement de l’ “insurrection féministe” »

Tel est le projet intime de cet ouvrage révélé dans les dernières pages. Coécrit par trois universitaires féministes ayant animées un séminaire de sociohistoire des féminismes à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), ce livre résulte de l’envie de croiser “trois regards, trois générations, trois parcours différents pour une volonté commune d’offrir un récit renouvelé de l’histoire des féminismes en France”. Toutes les trois historiennes, elles ont choisi d’organiser leur ouvrage de manière chronologique pour rendre compte des différents mouvements féministes de 1789 à nos jours. Elles y interrogent les liens entre “féminismes, genre et politique, d’une part et l’intersectionnalité, à savoir l’imbrication des dominations multiples, d’autres part”. Ainsi, c’est donc une sociohistoire des féminismes revisitées à la lueur des questionnements actuels qui est proposée ici, ce qui constitue donc un véritable apport dans la bibliographie de l’histoire des féminismes. C’est d’ailleurs le principe de la sociohistoire que de “se placer dans une problématique inspirée des enjeux du présent en vue d’en restituer la généalogie” comme le précisent les autrices. 

Les féminismes au pluriel

Ici, il est toujours question des féminismes au pluriel. Cet usage est tout d’abord lié à la volonté des autrices ne pas définir le féminisme mais bien d’en exposer les différents sens qu’il a pu prendre au cours de l’histoire. De plus, elles réaffirment que l’histoire des féminismes est avant tout celle des conflits au sein de ce qu’elles appellent “les nébuleuses contestataires féministes” qui ont malgré tout en commun de critiquer la domination masculine et des normes de genre. De quoi mettre l’accent donc sur les dissensus comme moteurs et de réancrer les débats internes contemporains dans une histoire plus longue. Les conflits ne desservent pas la cause comme on peut souvent lire, mais, au contraire, participent de l’émulation et de l’avancée des luttes féministes.

« “Féministes tant qu’il le faudra !” (1981-2020) »

C’est le nom de la dernière partie de l’ouvrage qui retrace les mouvements féministes les plus récents. Des LGBTQIA+ (Lesbienne Gay Bi Trans Queer Intersexe Asexuel et plus) en passant par l’écoféminisme et le mouvement me too jusqu’au désormais célèbre “on se lève et on se casse” de Virginie Despentes à propos de la sortie d’Adele Heanel aux Césars 2019, que l’on a pu lire sur des collages féministes. Cette partie apporte ainsi de précieux éclairages sur les mouvements féministes actuels et expose les enjeux qui les divisent en ce moment, à savoir principalement la question du travail du sexe, la question du voile et plus largement du rapport à l’Islam, et enfin la question de l’inclusion des personnes transgenre dans les mouvements majoritaires.

Un livre d’histoire accessible

Dès lors, si c’est un ouvrage qui s’adresse de manière évidente aux universitaires et aux étudiant.es en histoire ou en étude de genre, celui-ci est toutefois accessible à tous.tes. Il permet tout d’abord de piocher en fonction des époques qui nous intéressent: la Commune, l’après guerre, mai 68 ou encore les mouvements féministes noirs et décoloniaux par exemple. Pour les plus consciencieux, il peut être lu dans l’ordre, comme une fresque chronologique permettant d’en ressortir avec une vision complète et dynamique des différents mouvements. Enfin, l’ouvrage de manière général, et notamment la dernière partie de 1981 à nos jours, permet également à celles (et ceux) qui sont arrivé.es au féminisme récemment, par exemple avec le moment #metoo, de se repérer dans les origines des différents mouvements actuels mais surtout de se sentir héritier.ère d’une longue histoire qui leur revient de prolonger. Il est évidemment grisant de voir l’année dans laquelle nous vivons écrite dans un livre d’histoire. Ce volumineux ouvrage n’a d’ailleurs pas de conclusion, car l’histoire des féminismes, elle, n’est pas terminée.

On le referme donc avec un léger frisson et la conscience aiguë de vivre dans l’histoire qui est en train de se faire, et surtout, l’envie de prendre sa part dans l’insurrection féminisme. 

Bibia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini-Fournel, Ne nous libérez pas, on s’en charge. Une histoire des féminismes de 1789 à nos jours. La Découverte, 750 p. 25€, sortie le 27 août 2020

Visuel: ©Couverture officielle La Découverte

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Chloé Hubert

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