
Love de Stéphane Koechlin, d’amour et de haine…
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Fils du cofondateur de Rock & Folk, Stéphane Koechlin est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés au blues et au jazz, ainsi que de biographies. Son dernier ouvrage nous conte l’histoire d’un groupe obscur et oublié, mais qui a inspiré toute une scène à la fin des années 1960. Ce groupe porte un nom qui pourtant n’est pas à leur image: Love.
Love, c’est l’histoire d’Arthur Lee, le métis, dont le talent n’a d’égal que sa mégalomanie. Le roi, le maitre, le tyran d’un groupe qu’il a écrasé de sa personnalité. Étrange, mystique, ambitieux, Arthur Lee fait partie de ces artistes qui sont jaloux de tout et de tout le monde, qui se pensent incompris, et qui gâchent leur talent par la noirceur évidente et nauséabonde qui émane d’eux. Jamais content, jamais satisfait, Arthur doit quand même composer avec les autres, et notamment avec Bryan Maclean, le fils doré d’Hollywood, surement plus doué qu’Arthur… Bryan est souvent le seul à sourire sur les pochettes des disques. D’un naturel facile, il est à l’origine du tube Alone Again Or. Titre qu’Arthur avait trouvé inachevé quand Bryan lui a livré, et qu’il avait retouché pour mettre sa marque, la marque du tyran.
Love, c’est une histoire difficile. C’est quelques années fulgurantes de succès pour être remplacé par les Doors, les deux groupes étant produits par le label Elektra de Jac Holzman. L’histoire des deux deux groupes est intimement liée, côtoyant les même clubs entre Sunset Boulevard et Venice Beach. Love était là avant. Mais Love n’a pas su faire face à la concurrence commerciale imposante de la machine Doors.
Love, c’est l’image poisseuse de la malchance. C’est le groupe maudit. Mais Love c’est Le groupe qui a pondu ce chef-d’oeuvre: Forever Changes. Disque incoutounable de la collection d’un digger. Forever Changes a inspiré les plus grands groupes et les plus grands artistes, comme Pink Floyd. Forever Changes est la fusion du rock psychédélique, de la folk, de jazz, avec des accents de folklore acoustiques mexicains. C’est le syncrétisme des cultures musicales de fin des sixties. Un mélange savant, issu de ce bouillon de création artistique qu’était devenue la Californie à cette époque, dans une Amérique en proie à sa paranoïa et à ses crises morales, et coincée entre la rêverie sous acide hippie et l’autodestruction de sa jeune génération.
Stéphane Koechlin, Love, collection Castor Music, aux éditions Castor Astral, 2013.