Cinema
« Mélodie Tzigane », la découverte un peu longue de l’Étrange Festival 2020

« Mélodie Tzigane », la découverte un peu longue de l’Étrange Festival 2020

11 September 2020 | PAR Chloé Coppalle

Pour sa 26ème édition, l’Étrange Festival a programmé une des rares diffusions du film Mélodie Tzigane, du cinéaste japonais Seijun Suzuki. Un film appartenant à une trilogie qui sera diffusée lors du festival, la Trilogie Taïsho, et qui se regarde comme une photographie plus qu’il ne s’écoute comme une histoire.

Un jour, la femme de Nakasago est retrouvée morte sur le bord de mer. Tout de suite accusé, c’est Aochi, qui sauve la mise à son ancien collègue professeur. Quelques temps plus tard, il apprend que ce dernier s’est remarié, lui rend visite pour rencontrer la jeune femme. Il découvre alors Koine, une geisha qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’ancienne épouse de Nakasago. Mélodie Tzigane, c’est l’histoire de deux amis que tout sépare, et qui évoluent ensemble dans un univers subtilement irréaliste. Nakasago est quelqu’un d’infidèle, sur qui on ne peut pas compter, tandis qu’Aochi essaye de préserver une sorte de stabilité, marié à une femme qui ne le désire plus, et pour qui il a plus de conventions que de sentiments. Les deux amis vont se retrouver pris au piège d’un ensemble de fantasmes, dont chacun va essayer au mieux de réagir.

Un film visuellement pointu

Considéré comme un chef-d’œuvre au Japon, l’auteur propose un film à la fois surréaliste et pointu. Le son, tout d’abord, qui a pour but d’accompagner la scène et non le récit. Les quelques musiques et les bruitages accompagnent l’image plus qu’ils ne participent ou ne créent une ambiance narrative. Le but n’est pas de rendre les scènes naturelles dans un rapport son/image cohérent et réaliste mais un univers visuel que seul le cinéma peut construire. Des silences, des bruits de pas qui ne résonnent pas alors qu’ils devraient, une femme qui produit le seul écho d’un plan en claquant des doigts.

Les gros plans sont uniquement réservés aux expressions des visages ou aux gestes sensuels, qui se rapprochent. Les plans principaux choisis pour construire le film sont toujours fixes, il n’y a aucun travelling, la caméra ne bouge jamais. Elle est juste posée face à l’action. Cette façon de tourner donne l’impression de voir une succession de photographies. Les scènes qui s’enchaînent sont presque toutes tournées en plans moyens où, un peu comme au théâtre, les personnages évoluent et l’action se déroule dans le champ qui est tout juste le leur. On dirait presque un assemblage de cartes postales ou de scènes de genre.

De plus, tout au long du film, on ne suit que les deux personnages masculins principaux, Nakasago et Aochi, et les femmes qui gravitent autour d’eux. Les autres personnages n’apparaissent que s’ils interviennent dans l’univers de ces deux hommes, sans réellement de figuration, sauf au tout début du film. Et pourtant ! Malgré le nombre limité des personnages, une intrigue concernant un père, son fils et sa fille, trois mendiants aveugles, évolue étonnement en parallèle de la narration principale, offrant des moments à la fois drôles, loufoques et complètement surréalistes !

Mélodie Tzigane n’est pas un film qui propose une histoire dans laquelle on peut rentrer, ou dans laquelle on se sent emporté. Comme le film est plus visuel que narratif, il semble un peu long car il dure tout de même 2h25. Surtout, en plus de ne pas avoir d’histoire forte, le récit est plutôt lent, ce qui n’aide pas à rester concentrer.

Contexte de Mélodie Tzigane 

Cinéaste largement diffusé lors de l’Étrange Festival, Seijun Suzuki est connu en France depuis environ une dizaine d’années. Au début de sa carrière, on lui connait surtout des films de studios jusqu’au célèbre La marque du tueur, sorti en 1967. Catapulté à la tête du film, le tournage terminera sur une note amère, puisque le cinéaste sera viré des studios, les studios Nikkatsu. Depuis cette date, il ne travaillera plus beaucoup avec les studios japonais. En 1980, Mélodie Tzigane marque alors son grand retour au cinéma, qu’il réaliste en indépendant. Même s’il est peu diffusé à l’étranger, le long-métrage obtient une Honorable Mention au Festival de Berlin en 1981, et fut primé « Film de l’année 1981 » puis « Meilleur réalisateur 1981 » à la Japanese Academy Awards, équivalent des Césars au Japon.

Le film est le premier volet d’une trilogie connue sous le nom de « Taisho Trilogie ». Brumes de Chaleur, 1981, et Yumeji, sorti en 1991, sont les deux derniers volets de cette saga, et seront eux aussi diffusé lors de cette 26ème édition de l’Étrange Festival.

 

Mélodie Tzigane (titre original : Tsigoineruwaizen), de Seijun Suzuki, 1980, Japon, 2h25

 

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